Le philosophe allemand Martin Heidegger est l'auteur d'un ouvrage intitulé Chemins qui ne mènent nulle part, publié en 1950. Ce recueil est composé de six textes élaborés autour d'un seul grand thème : la philosophie, c'est-à-dire la métaphysique et son histoire. Parmi ces six textes, figure « L'époque des ‘conceptions du monde' » - écrit en 1938 - , dans lequel Heidegger cherche à caractériser l'époque actuelle, qu'il nomme les « Temps Modernes ». Selon lui, l'homme de l'époque moderne a une volonté d'emprise sur le monde qui change la conception qu'il en a, et donc son rapport au monde. En effet, Heidegger déclare que « Le processus fondamental des Temps Modernes, c'est la conquête du monde en tant qu'image conçue ». Ainsi, dans cet extrait, il cherche à réhabiliter la notion de gigantesque telle qu'elle a toujours été entendue, avant sa transformation par l'époque moderne. En effet, la thèse heideggérienne consiste à penser que le phénomène du gigantesque a été dénaturé par les Temps Modernes. Le gigantesque est devenu quelque chose d'envisageable et de mesurable, alors qu'il appartient par essence au domaine de l'inconcevable. Ainsi, en quoi la conception moderne du monde en tant qu'image conçue engendre-t-elle la modification du phénomène de gigantesque, et donc son apparition partout ?
[...] Selon Heidegger, la culture toute entière est conçue comme un ensemble de valeurs qui peuvent être gérées, comptabilisées et planifiées. Il estime la religion comme appartenant à ces valeurs, et considère que cette instrumentalisation de la transcendance du fait de celle infligée au monde mène à l'état absolu de perte du divin. La modernité est donc pour Heidegger l'ère de la technique et des machines, de l'instrumentalisation du monde, de l'industrie culturelle et de la perte du divin. Mais ce ne sont là que les symptômes les plus évidents, puisque la conception moderne du gigantesque en tant que quelque chose de calculable découle également de ce mode de pensée. [...]
[...] Dans un deuxième moment, Heidegger annonce sa thèse, selon laquelle la conception moderne du monde comme image conçue nuit à l'essence même du gigantesque. En effet, celui-ci est défini au départ comme ce qui dépasse la commune mesure ; il représente l'inaccessible et l'inconcevable. Mais l'homme des Temps Modernes en fait quelque chose de mesurable et d'abordable par le biais de la technique. Heidegger donne l'exemple de l'avion et de la radio, qui anéantissent les grandes distances et font que ce qui apparaissait comme lointain semble désormais tout proche. [...]
[...] Dans L'époque des ‘conceptions du monde' il pose la technique comme responsable. En effet, celle-ci est présentée comme dominant l'attitude des hommes envers eux-mêmes et envers la nature. Dans un troisième moment, Heidegger critique le fait que le gigantesque puisse être pensé comme volonté de toujours vouloir faire plus. En effet, ce n'est pas du quantitatif en permanente expansion, mais en tant que qualité propre Heidegger nie le fait que le gigantesque puisse naître uniquement d'aspirations extrêmes, d'une fièvre aveugle de l'exagération et du surpassement ; qui traduisent l'excès de quantité pour elle-même, tournant à vide C'est réduire la portée même du gigantesque que de le résumer au continuel cela ne s'est jamais vu En effet, celui-ci n'a pas pour seule vocation de faire toujours plus que ce qui n'a jamais été fait auparavant. [...]
[...] Ainsi, selon Heidegger, la conception moderne du gigantesque en ferait quelque chose de dénaturé, corrompant l'essence même de ce phénomène. En effet, à l'époque où la technique déploie son règne et où le sujet tente de maîtriser les objets, la dimension du calcul prévaut et conditionne la conception du gigantesque en tant que tel. Celui- ci devient lui-même calculable, et quitte donc sa nature mystérieuse pour devenir accessible. C'est pourquoi le gigantesque tel qu'il est conçu à l'époque moderne est défini par Heidegger comme une ombre invisible Il n'est pas gigantesque par essence, mais se découvre une nouvelle valeur. [...]
[...] L'homme des Temps Modernes est un exemple d'individu ; puisque sa volonté d'instrumentalisation du monde change sa notion du Grand, et donc du gigantesque. En effet, dans un quatrième moment, Heidegger affiche pleinement sa critique - et donc sa thèse en citant différents procédés employés par l'homme des Temps Modernes pour tenter de contrôler le monde ; qui changent son rapport même à ce monde. Il parle de planification et de réorganisation qui signifient que l'homme tenterait d'organiser de nouveau, et selon un plan bien précis, le développement du monde. [...]
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