En février 1997, après le clonage de la brebis Dolly, le quotidien allemand Frankfurter Allemeine Zeitung exprimait le sentiment commun en écrivant : « Copernic a chassé l'homme du cœur de l'univers, Darwin du sein de la nature, la procréatique s'apprête à expulser l'homme de lui-même ».
Au cours des trente dernières années, la progression de la recherche scientifique a changé le cœur de la condition humaine avec les biotechnologies. L'OCDE définit les biotechnologies comme « l'application de la science et de la technologie aux organismes vivants à d'autres matériaux vivants ou non vivants, pour la production de savoir, bien et services ». Par abus de langage, on la restreint souvent aux technologies issues de la transgenèse et permettant en particulier d'intervenir sur le patrimoine génétique des espèces, pour le décrypter ou le modifier (création d'organismes génétiquement modifiés, OGM).
Désormais la vie peut être donnée en dehors des processus naturels, avec la méthode de la procréation médicalement assistée, et il est possible de connaître la qualité potentielle de cette procréation, avec le diagnostic pré-natal. Ces possibilités données aux individus par la science laissent entrevoir le risque d'eugénisme, c'est-à-dire d'éliminer une population sous prétexte qu'elle ne correspond pas aux critères désirés. De plus, la vie peut être secourue mais aussi prolongée, notamment avec les transplantations d'organes. La science biomédicale dont le but ultime était de conserver la santé peut maintenant toucher à la vie et « bricoler » le vivant. De guérisseur, le scientifique tend à devenir créateur. Ces bouleversements conduisent à des avancées importantes en matières scientifiques mais peuvent aussi conduire à des catastrophes.
Comment l'apparition des biotechnologies et les progrès de la génétique posent-ils de nouvelles questions philosophiques en matière de définition du vivant et de l'humain ?
[...] Kourilsky (Les artisans de l'hérédité), pour qui le chercheur, placé face à la recherche fondamentale, doit bénéficier d'une entière liberté d'action. La communauté scientifique juge elle-même. Elle est accoutumée à être juge et partie. Quelque choquant que cela puisse paraître, il n'existe pas d'autre moyen réaliste Pour d'autres scientifiques, c'est en amont de la recherche que doivent être effectués les choix. C'est ainsi qu'en 1986 J. Testart abandonne des recherches sur la procréation artificielle. Le premier camp est celui du libéralisme : il soutient que la société ne peut ni ne doit mettre un frein au développement des technologies nouvelles. [...]
[...] Ainsi, les questions d'éthiques soulevées concernent habituellement la légitimité morale d'une application à l'Homme et à son environnement de nouvelles techniques engendrées par de nouveaux savoirs, c'est-à-dire l'évaluation du risque qu'encourent ces techniques d'attenter à la dignité de la personne, à ses droits. Devant le champ des possibilités qui s'ouvre aujourd'hui au chercheur, celui-ci devint aussi moraliste et philosophe. En particulier se pose l'éthique du passage des possibles à l'existence, c'est-à-dire l'élection par le chercheur de la ou les techniques qui vont passer du réalisable ou réalisé. Pour certains, les choix éthiques doivent être effectués en aval de la science, au niveau de l'utilisation in fine de la technique. C'est la position de P. [...]
[...] En effet, il est possible de considérer que les programmes génomes ayant pour but de caractériser la nature et la fonction des gènes, pourront donner accès, à terme, aux propriétés biologiques des cellules et des organismes, en particulier chez l'Homme. Cela signifie un accès aux mécanismes des maladies, mais aussi aux très nombreuses affections génétiques. L'exemple du sida est significatif : l'étude des gènes du virus du sida et des gènes humains impliqués dans la sensibilité à l'infection a permis la compréhension des mécanismes et la mise au point de traitements prometteurs d'une maladie virale découverte il y a moins de vingt ans. Les utilitaristes ont théorisé cette vision de la Science bienfaitrice. [...]
[...] Cependant, la Science reste dépendante de l'économie et du désir de profit, ce qui limite le contrôle bioéthique. Devant les progrès de la bioéthique, se pose de façon cruciale, la question de la responsabilité du chercheur et celle du contrôle social des recherches. Ce sont les générations à naître, l'humanité future qui attend de moi, de nous, que nous réglions notre agir de façon à aménager pour eux la possibilité de vivre et de bien vivre, c'est-à-dire humainement J-P Séris (LaTechnique). [...]
[...] À sa suite le Conseil de l'Europe déclare à propos du clonage humain que l'instrumentalisation des êtres humains par la création délibérée d'êtres génétiquement identiques est contraire à la dignité humaine et constitue ainsi un détournement coupable de la médecine et de la biologie Cependant, la Science reste dépendante de l'économie. Guillebaud déclare : tandis que certains débattent des questions éthiques, de légiférer avec prudence, une puissante industrie biotechnologique se développe à travers le monde, gouvernée tout entière par la course au profit. Cette industrie profite de jour en jour de l'affaiblissement du politique. [...]
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