Marchandisation, nature, propriété humaine, res communis
« Le propriétaire est maître de laisser pourrir ses fruits sur pied, de semer du sel dans son champ, de traire ses vaches sur le sable, de changer une vigne en désert, de faire un parc d'un potager ». C'est par ces mots que Proudhon, militant anarchiste et député de la Constituante de la IIe République, parle du propriétaire tel qu'il est défini par le droit romain : « jus utendi et abutendi re suâ, quatenus juris ratio patitur » : le droit d'user et d'abuser de la chose autant que comporte la raison du droit. Les déclarations des droits à partir de 1789 puis le code napoléonien reviennent tour à tour à cette même définition. Pour Proudhon le terme « abuser » consacre « les délires de la jouissance ». Avec une telle définition de la propriété, il devient difficile d'accepter la privatisation et la marchandisation de la nature. C'est à dire la création d'un marché et la transformation en marchandise, en biens échangeables, de la nature sous toutes ses formes : ressources naturelles minérales, êtres vivants, bactéries et organismes monocellulaires, génotypes et caryotypes, protéines, molécules organiques ou encore acides aminés. Cette idée s'oppose à celle du « bien commun » selon lequel un certains nombres d'aspects de la nature ne peuvent pas être échangés : que ce soit des fluides comme l'air ou des matières organiques vivantes comme le génome humain. Pourtant c'est vers la marchandisation de la nature que l'homme se dirige depuis l'antiquité.
[...] ) mais son entretien est un travail collectif . J'exploite le terrain grâce aux autres qui l'entretiennent, nous sommes n agriculteurs, si ils sont n-1 agriculteurs à l'entretenir cela ne changera rien pourrait dire celui qui devient par là un passager clandestin La généralisation de ce type de comportement entraine une destruction de la nature. Face à l'échec de la chose commune, les économistes ont développé de nouvelles théories : ils ont élargi le champ de la propriété à son maximum imaginable avec l'idée que puisque le bien commun ne permet pas de protéger la nature, un être rationnel protégera son bien privé. [...]
[...] La seconde idée c'est que les ressources naturelles sont illimitées : les richesses naturelles sont inépuisables écrit Jean Baptiste Say dans son Cours d'économie politique pratique et il poursuit : ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne font pas l'objet des sciences économiques Ainsi il n'est pas lieu de mettre sur le marché les ressources naturelles qui ne sont par essence pas compatibles avec ce système économique. Elles sont exclues du système de la propriété privée et forment le res communis le bien commun. C'est le présupposé libéral classique des inépuisables ressources naturelles. Pourtant celui-ci ce révèle faux, les XIXe et XXe siècles ont invalidé ces théories. Comment encore croire que la nature est illimitée et au service de l'homme ? [...]
[...] Les hommes, comme ensemble d'êtres rationnels, ont alors entamé le long processus de marchandisation de la nature, qui commence par une appropriation. L'origine de ce mouvement de la propriété qui alimente perpétuellement l'histoire réside dans l'antiquité. Cicéron compare alors la terre à un théâtre : Le théâtre est commun à tous, et cependant la place que chacun y occupe est dite sienne c'est-à-dire qu'elle est une place possédée. L'occupation d'un terrain ou l'utilisation d'une ressource est alors aux fondements de la propriété. [...]
[...] De plus l'exploitation des bois, des landes, des friches se fait en commun. Mais les paysans devaient en assurer l'entretien et la limitation de son exploitation pour assurer la pérennité des ressources exploitées. C'est avec le mouvement des enclosures en Angleterre, c'est à dire la création de haies, murs ou barrières autour d'un terrain, que progresse la notion de propriété privée. Entre 1760 et 1840 passent les principales lois qui imposent de clôturer un terrain en particulier la General Enclosure Act en 1801. [...]
[...] Quand un agriculteur pompe de l'eau à outrance et met en difficulté l'agriculture en aval, il crée une externalité négative. Le rôle de l'économiste est de ré-intégrer ces externalités négatives dans un marché pour les affaiblir, voir les éliminer totalement. C'est le but des marchés de droit à polluer notamment. Le protocole de Kyōto a créé un marché de permis d'émission. Il faut alors payer pour pouvoir émettre des gaz à effet de serre et donc d'une certaine manière utiliser à outrance ce bien commun que forme l'atmosphère. [...]
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