La majorité exprime-t-elle une force ou un droit?

Thèmes abordés

Majorité, force, droit, droits de la majorité, force politique, droits du nombre, démocratie

Résumé du document

Majorité vient du latin major, qui signifie « le plus grand ». Elle désigne le plus grand nombre, la plus grande partie d'un tout. Dans le domaine politique, la majorité est souvent synonyme de démocratie, dans la mesure où celle-ci est le règne de la majorité : le peuple est souverain, c'est le pouvoir décisionnel de la majorité qui compte. La majorité donne au pouvoir en place une certaine légitimité, puisque le pouvoir et les lois qui organisent les rapports entre membres de la collectivité sont l'expression de cette collectivité via la voix de la majorité. Seulement, peut-on tout admettre d'un groupe de personne pour la seule raison qu'il est majoritaire ?

Extraits

[...] Seul son intérêt exige qu'il ne vole pas ses clients, que ceux-ci soient “loyalement servis”. De la même manière, la force politique donnée légalement à la majorité ne va-t-elle pas la détourner de son rôle ? Nous pouvons prendre comme exemple le régime nazi ou le régime communiste stalinien, tous deux établis légalement, avec le consentement du peuple donc, et qui n'ont vu dans le pouvoir des masses que le moyen d'arriver à leurs fins, moyen qui eut pu servir l'intérêt commun et donner de la légitimité à ces pouvoirs s'il n'avait dérapé en “solution finale” et en vagues d'exterminations. [...]

[...] Cependant, la vie publique, quoique par définition ouverte à tout citoyen dans un régime de liberté, ne signifie pas que chacun ait l'aptitude de gouverner l'Etat . La majorité acquiert dans cette notion de vie publique une grande importance, car c'est elle qui permet la désignation des représentants, et sa voix, qui s'exprime grâce à des droits comme le droit de vote, est une force non négligeable. Elle permet de séparer les citoyens habilités à gouverner, à voter les lois en faveur de la communauté, de ceux qui laisseraient lé régime aller à la dérive. [...]

[...] L'opposition majorité/minorité doit donc se régler en accordant des droits à la minorité afin qu'elle ne soit pas tentée de renverser la majorité pour subvenir à ses besoins, et cela, seule la majorité, qui a la force politique, peut le faire: l'avantage réel de la démocratie étant la tendance générale des lois qui est favorable au bien du plus grand nombre, les gouvernants ne peuvent y défendre des intérêts contraires à la masse des gouvernés, ils peuvent juste “améliorer leur sort”. Il est vrai que la majorité, si elle ne peut avoir un intérêt contraire à elle-même, peut se tromper et la valeur du gouvernement sera donc à la mesure de l'éducation politique donnée aux citoyens. En donnant des droits à tous les citoyens, la démocratie, et par là la majorité, apprend à l'homme à s'estimer lui-même et lui donne le respect de la loi et le goût d'entreprendre. [...]

[...] La majorité exprime donc une force à double tranchant, doublée de droits inaliénables que cette force se doit de défendre. La majorité exprime donc à la fois force et droits, mais par des biais différents: le droit à l'élection permet ainsi, par exemple, de prouver que le plus grand nombre décide du devenir de tous, tandis que les droits sont assurés par les lois assises grâce à la force politique elle-même apportée et garantie par la majorité. Cette dernière comporte une certaine dualité que seule la liaison entre éducation politique et esprit critique peut contenir, de manière à ce qu'elle ne devienne pas dangereuse et que le régime conserve ses valeurs de vertu, d'égalité, de liberté et de bonheur pour tous. [...]

[...] La majorité exprime donc, plus qu'une force ou un droit, la nécessité d'un couplage entre lois et réflexion. En effet, ce lien est nécessaire au nom de la légitimité de l'Etat, afin d'asseoir l'individualisme de chacun - dans une certaine mesure- , la liberté et l'égalité de tous. La force de la majorité, le recours à celle- ci ne doit être limité qu'aux seules décisions qui ne peuvent être traitées autrement, comme lorsqu'un président de la République organise un référendum par exemple. [...]