Etre maître de soi se pose comme le but à atteindre quelle que soit la philosophie abordée. Cependant cette expression ne signifie pas la même chose pour tous et sous les mêmes mots, on peut y voir différents sens et donc différents moyens d'y parvenir. Être maître de soi signifie en premier lieu, dans son sens le plus courant et évident, se maîtriser, contrôler ses émotions, ses réactions spontanées face à un événement, que ce soit de la colère, de la joie, de la tristesse, ou encore de la crainte, plus généralement tous les mouvements naturels de l'âme. Cependant nous pouvons aussi prendre le mot « maître » dans son sens scolaire, c'est-à-dire le maître d'école, du latin magister. La question qui se poserait alors serait : comment être son propre professeur ? De plus, de quel « soi » parle-t-on ? S'agit-il d'être maître de son corps, de sa pensée, d'un moi profond ou d'un moi de surface ? (...)
[...] Ainsi, si un homme qui a tout pour être heureux ne voit continuellement que des spectacles tristes, pathétiques, il finit par être malheureux s'il s'y identifie. C'est l'impact de l'imagination sur le réel. Le spectateur n'est alors plus maitre de lui-même puisqu'il se laisse gouverner par l'imagination, arrivant ainsi à un comportement contradictoire a tout pour être heureux mais il est malheureux. Cependant parfois cela peut être mieux que ce ne soit pas la raison qui soit maitresse en nous ; ainsi Descartes aborde le thème de la distraction pour soigner les maladies de l'âme, la tristesse. [...]
[...] Cette notion d'unicité nous amène donc à comprendre être maitre de soi comme en étant son propre professeur, son propre maitre à penser. C'est le travail de tout philosophe : lire beaucoup, étudier, écouter d'autres professeurs, débattre, observer mais ne jamais adhérer à une thèse sans la juger, sans réfléchir, et même quand cette thèse vient de nous, savoir la soupeser, la remettre en question, lui objecter des arguments et voir comment elle peut y répondre. En étant maitre de nous-mêmes nous devons nous inspirer des grands maitres, mais être capable d'en voir les limites pour en tirer notre propre pensée, notre propre conception de la vie et des choses, dans laquelle on puisse reconnaitre, qui s'applique à nous. [...]
[...] Ainsi, être maitre de soi est une notion complexe dans son explication et une tâche complexe dans sa réalisation. Cette expression peut signifier se maitriser, contrôler ses émotions, et sous-entend la lutte perpétuelle entre la raison et la passion pour gouverner l'âme, le cœur, l'esprit, entrainant les actions du corps. La raison ne sort pas toujours vainqueur de ce combat mais nous comprenons ainsi qu'il n'est pas toujours bon d'être maitre de soi : la distraction qu'apportent les passions peut être salvatrice et agir comme un médecin sur l'âme. [...]
[...] C'est la conception stoïcienne que Marc Aurèle expose dans ses Pensées. Le sage stoïcien doit parvenir à une impassibilité face aux événements de sa vie et dans sa réflexion philosophique, qui ne serait pas l'expression de son indifférence mais au contraire de son accord avec l'existence telle qu'elle est. Pour cela, il doit faire usage de la raison et uniquement d'elle dans toutes les circonstances : aussi bien dans sa conception philosophique de l'origine du monde, que dans son comportement face aux événements qui lui arrive, que dans son rapport aux autres hommes. [...]
[...] Cependant on pourrait objecter à Marc Aurèle et aux stoïciens que même si je parviens à acquérir une maitrise parfaite de moi-même, grâce à la citadelle intérieure que je me serais construite, c'est-à-dire les vraies valeurs dans lesquelles je peux me réfugier, et où aucun ennemi extérieur ne peut pénétrer, je ne peux pas contrôler les autres, seulement leur montrer comment faire mais pas faire à leur place ; l'analogie entre la citadelle intérieure, la cité et le cosmos est impossible dans ce sens. On peut donc poser la question de l'utilité : pourquoi devrais faire des efforts si les autres n'en font pas ? Mais les stoïciens répondraient que c'est justement parce que nous devons raisonner en terme de cosmos, de monde et non faire usage des passions qui ne se rapportent qu'à l'individualité, voire l'individualisme. [...]
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