Maître Eckhart naît en 1260 en Thuringe. Il meurt en 1328 au cours d'un procès d'inquisition intenté contre lui. Avant de nous intéresser à sa pensée et pour comprendre pourquoi cette procédure judiciaire dut être entreprise à son encontre, il nous faut établir brièvement quelles furent les circonstances historiques qui permirent l'avènement de ce personnage et sa condamnation.
Afin de poser le décor de la théologie à cet instant du Moyen-âge tardif, il nous faut parler de l'opposition entre néo-platonisme et aristotélisme. On peut en effet schématiser en affirmant que deux courants de pensée s'opposent : d'un côté le néo-platonisme, relayé par l'augustianisme, et de l'autre l'aristotélisme repris par le thomisme. En fait, à cette époque, la théologie traditionnelle s'inspirait du néo-platonisme et de Saint Augustin, mais Aristote pénétrait peu à peu en Occident. Au XIIe siècle déjà, Abélard avait provoqué de graves remous en appliquant la dialectique aristotélicienne aux questions dogmatiques elles-mêmes. Les oeuvres des philosophes arabes, surtout Avicenne (980-1198) et Averroës (1126-1198), et celles des philosophes juifs, notamment Maïmonide (1135-1204), donnèrent d'Aristote une meilleure connaissance, grâce aux traductions latines faites de leurs oeuvres en Espagne au début du XIIIe siècle.
[...] Exposer en quelques pages la théologie de Maître Eckhart est bien sûr, en soi, une hérésie, et l'on ne parle même pas de décrire sa mystique. On se contentera donc d'une approche globale et superficielle. Pour ce faire, on étudiera quatre statuts que Maître Eckhart a eu durant son existence : le théologien, le prédicateur, le mystique et, pour finir l'« hérétique Il va de soi que cette distinction est purement artificielle, car la théologie d'Eckhart est inspirée par sa vie spirituelle qu'il tente de retranscrire dans ses sermons tout en recourant toujours à une base scolastique. [...]
[...] Maître Eckhart reprend cette même idée en la radicalisant encore dans un autre sermon : Iusti vivent in aeternum. Le Père engendre le Fils dans l'éternité semblable à lui-même. Le Verbe était près de Dieu et Dieu était le Verbe : il était identique à lui dans la même nature. Je dis plus encore : il l'a engendré dans mon âme. Non seulement elle est près de lui et de même il est près d'elle, lui étant semblable, mais il est en elle et le Père engendre son Fils dans l'âme de la même manière qu'il engendre dans l'éternité et non autrement ( Le Père engendre sans cesse son Fils et je dis plus encore : il m'engendre en tant que son Fils et le même Fils. [...]
[...] Cette fois-ci Eckhart ne réfute plus l'authenticité des propositions contenues dans la liste. Il défend sa position en théologien, en s'appuyant sur les textes et les auteurs les plus sûrs. Le 24 janvier, Maître Eckhart se plaint devant la commission d'enquête de la lenteur de la procédure, arguant que les jugent font traîner son procès en longueur. Il récuse du même coup la validité de la commission, en appelant au Saint-Siège, se soumet d'avance à sa décision et réclame ses lettres dimissoriales. [...]
[...] II Maître Eckhart le prédicateur Qu'en est-il maintenant de l'oeuvre allemande ? Elle est avant tout composée des sermons prononcés par Maître Eckhart. Toute la prédication allemande d'Eckhart vise à partager ce mystère : que le Verbe se soit fait chair, qu'il ait assumé la nature humaine en vue de ma déification. C'est la profondeur et la nature même de la relation entre la kénose divine et l'exaltation de l'homme que Maître Eckhart s'efforce de retrouver non seulement dans le moment de l'eucharistie, mais bien en chaque instant, où, dépouillé de lui-même et de tout, l'homme se fait le lieu de Dieu, quand dans l'absolu repos de l'âme ensevelie en Dieu, Dieu, descendu en son propre coeur et détaché de tout ce qui n'est pas lui, naît Lui-même de Lui- même en Lui-même. [...]
[...] La philosophie reste donc soumise à la théologie. La raison et la foi ont chacune leur domaine et, loin de se contredire, elles se complètent et s'harmonisent. Un autre aspect primordial du contexte de pensée théologique qui prévaut à l'époque de Maître Eckhart est l'essor de la spiritualité des béguines et la prolifération des mouvements hérétiques dans la vallée du Rhin au début du XIVe siècle. L'oeuvre théologique de Maître Eckhart se comprend mieux si on la met en regard des discussions du concile de Vienne (1311-1312), aboutissant à la condamnation des “huit erreurs des béghards et des béguines sur l'état de perfection”. [...]
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