Maître Eckhart et les mystiques allemands

Résumé du document

Nous allons remonter jusqu'au XIVe siècle, l'époque des grands mystiques qui eurent un retentissement considérable en Allemagne. Ils écrivirent certes en latin, la langue des lettrés, mais leurs œuvres marquèrent une étape décisive dans la langue allemande moderne d'une part, dans la pensée allemande d'autre part. Au cours des siècles, de nombreux auteurs y firent référence.
Alfred Rosenberg, doctrinaire du Troisième Reich, publia en 1935 Le Mythe du XXe siècle, que tout bon Allemand devait avoir dans sa bibliothèque à côte de Mein Kampf. Il y a dans cet ouvrage un certain nombre de pages consacrées précisément à ces mystiques du XIVe réunies sous le titre "Mysticisme et action" ; Rosenberg fait l'éloge du mystique allemand qui incarne la grandeur germanique dans ce qu'elle a de plus noble et s'étend particulièrement sur Maître Eckhart. Il remarque l'acharnement de certains hommes politiques à tirer à eux des hommes qui n'ont envisagé les problèmes que sur le plan religieux, et ce jusqu'au XXe siècle. Il veut voir dans les mystiques allemands les fondateurs de la religion aryenne, la race supérieure ; c'est une religion pure, formée d'éléments germaniques, un racisme biologique, à la fois idéologique et religieux. Pour Rosenberg, le christianisme ne peut subsister que lorsqu'on le vide de tout élément juif.

Extraits

[...] Maître Eckhart et les mystiques allemands Nous allons remonter jusqu'au XIVe siècle, l'époque des grands mystiques qui eurent un retentissement considérable en Allemagne. Ils écrivirent certes en latin, la langue des lettrés, mais leurs œuvres marquèrent une étape décisive dans la langue allemande moderne d'une part, dans la pensée allemande d'autre part. Au cours des siècles, de nombreux auteurs y firent référence. Alfred Rosenberg, doctrinaire du Troisième Reich, publia en 1935 Le Mythe du XXe siècle, que tout bon Allemand devait avoir dans sa bibliothèque à côte de Mein Kampf. [...]

[...] Il écrivit Horlogium Sapientiae, Le Petit Livre de la vérité et Le Petit Livre de l'antique sagesse. Disciple de Maître Eckart qui l'appelait "le jeunot", il voulut le défendre lors de sa condamnation, s'efforçant de prouver que son maître, en affirmant l'unité de Dieu, n'en restait pas moins fidèle à la Trinité et qu'en parlant de l'union de l'âme à Dieu, il ne pensait pas à une identification totale. Mais il faut noter son apport personnel : il mit en valeur l'expérience intime, source d'apaisement. [...]

[...] Il revint à Erfurt comme prieur puis on l'envoya à Paris. C'est là qu'il devint Maître Eckart, à savoir "maître en écriture sainte" ; il acquit ce titre en commentant Le Livre des Sentences, de Pierre Lombard (auquel Luther consacrera ses études de théologie). Il revint en Allemagne, fut nommé en 1304 Provincial de la province de Saxe et Thuringe et, en 1307, vicaire apostolique de la Bohème, en charge de la réforme des couvents dominicains de cette région. En 1311, il devint Provincial d'Allemagne, c'est à dire le Supérieur de son ordre. [...]

[...] Il prépara aussi certaines revendications qui furent utilisées plus tard par le luthéranisme. Tauler Sa vie nous reste plus ou moins obscure. Il naquit à Strasbourg, eut sans doute Maître Eckart comme professeur à Cologne, entra chez les Dominicains et revint à Strasbourg en 1336. Il dut, comme Suso, s'exiler à Bâle en 1339 avec les frères dominicains. Il revint dans sa ville natale en 1348 et mourut en 1361. Il ne fut jamais "magister" et son œuvre ne brilla pas par son originalité. [...]

[...] On ne peut pas dire qu'il est bon puisqu'il n'appartient à aucune catégorie humaine. C'est un non-esprit. D'où l'accusation de paradoxe et d'hérésie. Eckart va plus loin encore : pour que l'homme découvre son néant, il faut qu'il prenne conscience de toute la puissance du mal en lui. Il en vient même à dire que Dieu souhaite la tentation et l'épreuve du mal pour l'homme qu'il nomme "felix culpa", faute bienheureuse. Le péché est donc le moyen d'atteindre Dieu et "le christianisme donne la possibilité de dire "felix culpa". [...]