Le verbe grec cheitoronein signifie « tenir solidement dans sa main ». Comme le fait Achille, maniant son épée sur le champ de bataille ou Ulysse à la barre de son navire. De la chirurgie à la chiromancie, que ne fait-on avec la main – et d'abord, dessiner le monde ?
André Leroi-Gourhan nous apprend que l'évolution des mammifères montre un développement parallèle de la boîte crânienne et des capacités de préhension : « la construction crânienne suit la typologie fonctionnelle de la main » (Le Geste et la Parole, 1964). Les mains saisissent, retournent, comparent : cela donne à réfléchir. Elles frappent, portent, lancent : l'homme fait l'expérience de sa force. Elles touchent, caressent : quand les voix se taisent, les mains peuvent encore parler. Dans Eloge de la main (1943), Henri Focillon écrit : « l'esprit fait la main, la main fait l'esprit ».
[...] Sans la main, point de géométrie écrit encore Focillon. L'efficacité de l'outil L'outil n'est pas la machine : il est à mesure de la main. Tailler un silex, fabriquer une hache, une lance ou une faucille, soulever un bloc de pierre avec un levier, voilà qui permet d'augmenter, de décupler les capacités de la main et des bras. L'outil détermine l'espace instrumental de l'efficacité technique. L'outil appelle d'autres outils, ils se complètent, établissent entre eux des modes de relation articulés dans le temps et dans l'espace. [...]
[...] Les mains saisissent, retournent, comparent : cela donne à réfléchir. Elles frappent, portent, lancent : l'homme fait l'expérience de sa force. Elles touchent, caressent : quand les voix se taisent, les mains peuvent encore parler. Dans Éloge de la main (1943), Henri Focillon écrit : l'esprit fait la main, la main fait l'esprit La main n'est pas le prolongement du corps : elle en est l'expression la plus pure et la plus complète. Médiatrice entre l'homme et le monde, elle le façonne et l'anime. [...]
[...] Les premières machines remontent à l'Antiquité : ce sont le levier, la poulie, le treuil. Le Moyen Âge développe la roue dentée, l'engrenage, le ressort et l'arbre à cames. Mais c'est l'invention de la machine à vapeur et de la machine-outil, au XVIIIe siècle, et l'essor de l'industrie au siècle suivant qui font entrer nos sociétés dans l'ère des machines L'histoire au XXe siècle est celle du perfectionnement et de l'extension des machines : chaînes automatisées et autosurveillées, généralisation de l'utilisation de l'électronique, conception des de robots, etc. [...]
[...] La culture est pétrie par la technique l'écriture ou l'outil le prouve abondamment. Il n'est pas non plus juste d'opposer à la liberté les formes modernes de l'esclavage que seraient les machines. Marx ne dénonce pas les machines, mais la division sociale du travail, où il voit la véritable source d'aliénation des travailleurs. Dans le monde grec, la machine c'est l'invention efficace, l'astuce, l'habilité dont la maîtrise devient un art toutes qualités dont Ulysse fait preuve. C'est dire si les machines et les techniques, bien loin d'étouffer l'intelligence humaine et sa liberté ingénieuse, témoignent en leur faveur. [...]
[...] Machinerie politique Lewis Mumford émet l'hypothèse que l'origine de la machine doit être recherchée dans les empires des IIIe et IIe millénaires avant notre ère. Les machines, au sens étroit, ne sont que les éléments d'un champ plus large, avant tout politique. Nous promettent-elles un monde concentrationnaire ? Ce serait une erreur de le croire, car les machines vivent avec plus de liberté qu'il n'y paraît. Leur monde est un monde ouvert pragmatique, évolutif et inventif, comme doivent l'être des démocraties. [...]
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