On oppose généralement l'esprit à la matière et on entend généralement l'esprit comme une propriété spécifique de l'homme qui le rend capable d'un certain nombre de comportements et de productions. Dire que l'homme possède un esprit revient à dire qu'il possède des qualités psychologiques telles que l'intelligence, la conscience, voire l'originalité, qu'il est capable d'introspection, d'humour (avoir de l'esprit), qu'il est doté d'un libre arbitre, qu'il peut éprouver des sentiments et des passions telles que l'amour, la haine, la jalousie, la pitié, etc. Autant de comportements, d'attitudes, d'états que l'on refuse spontanément à la machine. La machine est un objet fabriqué par l'homme en vue d'accomplir à sa place, et mieux que lui, une tâche déterminée. La machine est un objet matériel qui fonctionne suivant les lois de la physique (...)
[...] Il s'agira ici de rendre intelligible, sur le mode scientifique, le fonctionnement de l'esprit en l'expliquant sur le modèle du fonctionnement d'une machine. Fonctionnement connu, puisque la machine est produite par l'homme. Certes cette assimilation produit un gain d'intelligibilité. Mais cette unification du réel ne risque-t-elle pas de constituer une réduction de la richesse du réel au profit d'une vision appauvrie et elle-même réductrice ? D'autre part, c'est là réduire la distance entre l'homme et la machine et ravaler l'homme à la conduite de machine. [...]
[...] Peut-il y avoir un sens à dire qu'une machine pense ? On peut dire d'une machine qu'elle est capable de visser une écrou, d'assembler les pièces métalliques ensemble, d'indiquer l'heure, etc. Pour toutes ces tâches, elle peut se substituer à l'homme et les accomplir plus rapidement et mieux que lui, ceci est indiscutable. Peut-on étendre le champ de compétence des machines au-delà de ces types d'action jusqu'à y faire rentrer ce qui nous semble requérir nécéssairement l'intervention d'une pensée consciente ? [...]
[...] L'esprit ne saurait donc être assimilable à une machine, aussi perfectionnée soit-elle. Il n'est donc pas légitime d'assimiler l'esprit à une machine, ni sous le rapport de leur nature respective, ni sous celui de leur fonctionnement, ni sous celui de leurs performances. Cette conception de l'esprit comme substance distincte du corps n'est pas cependant sans poser quelques problèmes, notamment au niveau de l'homme lui- même, c'est-à- dire de l'union de ces deux substances. Comment deux substances aussi hétérogènes peuvent agir l'une sur l'autre, comme dans le cas du mouvement volontaire (action de l'âme sur le corps) ou de la douleur (action du corps sur l'âme) ? [...]
[...] Peut-on leur attribuer la conscience ? Leur fonctionnement est mécanique, l'esprit fonctionne-t-il lui aussi de manière mécanique, la pensée est-elle réductible à un pur et simple calcul, c'est-à-dire à une transformation de symboles suivant des règles précises et déterminées ? Cette réduction constitue une atteinte à la dignité de l'esprit et de la pensée authentiquement humaine, dont on se plait volontiers à vanter la richesse et la profondeur (l'esprit) par opposition à la trivialité de tout ce qui est mécanisable en elle et qui ne la manifeste pas dans sa véritable authenticité. [...]
[...] Peut-on, dans un souci d'intelligibilité du réel et plus particulièrement de nous-mêmes, assimiler l'esprit à une machine ? Il convient, avant toute chose d'apporter une précision importante sur le sens du sujet. Il n'est pas question de se demander s'il est factuellement et actuellement possible d'assimiler l'esprit à une machine. La question n'est pas de savoir si, à l'heure actuelle, il existe des machines qui peuvent remplacer l'esprit et le simuler pour l'accomplissement de toutes les tâches qui lui sont traditionnellement dévolues et si, à l'heure actuelle, il existe des machines auxquelles on peut attribuer les propriétés traditionnellement réservées à l'esprit, telles que la conscience ou le libre- arbitre, par exemple. [...]
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