Si "nul n'est censé ignorer la loi", c'est parce que nul n'est censé lui désobéir, même par ignorance. Tout État attend de ses membres cette obéissance. Cette obéissance doit-elle être aveugle ? Oui, si la loi peut être qualifiée par principe de "bonne", c'est-à-dire conforme à la "volonté générale" ou à l'intérêt commun. Mais la réalité historique montre que tel n'est pas toujours le cas. Dès lors, s'il s'agit de la modifier, ce ne peut être que de deux manières : par la violence, ou par la fonctionnement démocratique. Ce dernier ne doit-il pas prévoir un certain exercice de la critique et donner à celle-ci des moyens de se faire connaître ? (...)
[...] Enfin, l'idéal démocratique remplace la violence par la critique. La démocratie moderne refuse la violence ouverte. Déjà Rousseau considérait que "l'ordre social est sacré": il doit être maintenu, presque à tout prix (même au prix de l'injustice?), et Rousseau écarte la possibilité des soulèvements. La démocratie préfère les "armes de la critique" à la "critique des armes": elle se connaît imparfaite (et le reconnaît plus ou moins). D'autant plus qu'il y a nécessairement une évolution sociale, et un changement des valeurs. [...]
[...] Si la démocratie est peut-être "le moins mauvais des systèmes", c'est aussi parce qu'elle est capable d'intégrer dans son fonctionnement normal l'exercice d'une critique des lois telles qu'elles sont à un moment donné de son histoire. Cette critique est collective: cela ne signifie pas qu'elle correspond automatiquement à l'intérêt général, mais au moins elle la possibilité de faire comprendre que ce dernier n'est pas encore complètement formulé dans les lois. Ce faisant, la démocratie organise ce qui peut lui permettre de s'améliorer, ce que ne savent sans doute pas faire les autres régimes politiques. Mais du même coup, elle interdit toute transgression réelle de la loi, et se trouve d'autant mieux justifiée pour la sanctionner. [...]
[...] Cependant n'est ce pas, dans la réalité historique, une situation pour le moins fréquente? Dans un second temps, l'histoire abonde en mauvais exemples. Tout d'abord, toutes les lois ne sont pas bonnes (ou universelles). Nombre de régimes politiques sont fondées sur une inégalité entre les sujets, parce que les lois émises peuvent ne représenter qu'une partie de la population. Le cas le pire est celui du totalitarisme: l'obéissance aux lois est instaurée par la terreur (armée et police). La population est contrainte à l'obéissance et ne peut formuler aucune critique. [...]
[...] L'obéissance à la loi suppose-t-elle de renoncer à toute critique? Si "nul n'est censé ignorer la loi", c'est parce que nul n'est censé lui désobéir, même par ignorance. Tout État attend de ses membres cette obéissance. Cette obéissance doit-elle être aveugle? Oui, si la loi peut être qualifiée par principe de "bonne", c'est-à-dire conforme à la "volonté générale" ou à l'intérêt commun. Mais la réalité historique montre que tel n'est pas toujours le cas. Dès lors, s'il s'agit de la modifier, ce ne peut être que de deux manières: par la violence, ou par la fonctionnement démocratique. [...]
[...] La solution pour les opprimés est la violence, ou la "critique des armes". Jusqu'à l'ultime révolution (prolétarienne) et l'avènement de la société sans classes. Il devrait alors s'effectuer un retour (transitoire) vers des lois représentant l'intérêt majoritaire (socialisme), puis vers une société dans État, impossible à préciser (communisme). Les tentatives d'application ont pourtant abouti à une forme de totalitarisme (goulag, terreur stalinienne). Peut-on justifier la révolte? Michel Foucault dit: " On a toujours raison de se révolter". Pourquoi? Parce que la loi, dès que formulée, définit l'espace de sa transgression possible. [...]
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