Une idée commune au sujet de la technique est qu'aujourd'hui « tout est possible » en matière d'innovation, que la technique est donc, en un sens, illimitée, et que parce qu'elle est illimitée, et que cette il-limitation est potentiellement dangereuse, elle doit être limitée (soit pour des raisons prudentielles, soit pour des raisons juridiques et morales). Mais une telle manière de penser la technique peut sembler contestable (...)
[...] Portée et Pouvoir de la Technique) Une tendance de la philosophie de la technique tend à confondre la science et la technique, à réduire la première à la seconde (cf. Hottois, et son concept de technoscience, c'est-à-dire l'idée selon laquelle la science se réduit à l'opérabilité, c'est-à-dire à un calcul : comment prévoir, comment éviter ou obtenir tel ou tel effet Si, par contre, on voit dans la science une explication plus qu'une prévision, la science ne se réduit pas à la technique (je vous renvoie aux textes de Séris dans le dossier Culture et Technique Venons-en à la morale. [...]
[...] Délimitation de la Technique) Qu'est-ce exactement qu'une technique ? Weber, dans Économie et société, a proposé une définition qui a le mérite d'avoir une extension[1] (au sens logique du terme) suffisante : on peut parler d'une technique de la prière, d'une technique de l'ascèse, d'une technique de réflexion et de recherche, d'une mnémotechnique, d'une technique pédagogique, d'une technique de la domination politique et hiérocratique, d'une technique de la guerre, d'une technique de l'art musical ( d'une technique juridique, etc. Il définit la technique, du point de vue de la compréhension (au sens logique de ce terme) de la manière suivante : la technique d'une activité est dans notre esprit la somme des moyens nécessaires à son exercice, par opposition au sens ou au but de l'activité qui, en dernière analyse, en détermine (concrètement parlant) l'orientation, la technique rationnelle étant pour nous la mise en œuvre de moyens orientés intentionnellement et méthodiquement en fonction d'expériences, de réflexions et en poussant la rationalité à son plus haut degré de considérations scientifiques On voit dans les exemples cités que la délimitation de la technique par rapport à d'autres activités est peu claire : la religion, la politique, la guerre, l'art, le droit, voire la science et la philosophie technique de réflexion et de recherche pourraient être des techniques (ce n'est pas ce que dit Weber, c'est une idée qui pourrait naître de sa définition l'idée de Weber étant plutôt que toute activité a une face technique : une association humanitaire doit gérer ses ressources, par exemple). [...]
[...] En d'autres termes, cette idée commune prête trop à la technique (elle suppose qu'elle a un pouvoir illimité) et ne lui prête pas assez (elle réduit la technique à certaines techniques, les techniques les plus matérielles, celles qui produisent les objets techniques). Ce qui signifie qu'elle n'a pas fait l'effort préalable de délimiter l'activité technique par rapport à d'autres activités. Il est donc nécessaire, pour juger des limites de la technique, de s'intéresser d'abord à la délimitation de l'activité technique : quelles sont les frontières qui la définissent ? C'est seulement à partir de cette délimitation qu'on pourra envisager si la technique est limitée (dans sa portée, dans son pouvoir) et si elle doit l'être (pourquoi ? par quoi (Développement (I. [...]
[...] Les limites de la Technique. (Introduction Une idée commune au sujet de la technique est qu'aujourd'hui tout est possible en matière d'innovation, que la technique est donc, en un sens, illimitée, et que parce qu'elle est illimitée, et que cette illimitation est potentiellement dangereuse, elle doit être limitée (soit pour des raisons prudentielles, soit pour des raisons juridiques et morales). Mais une telle manière de penser la technique peut sembler contestable. D'abord parce qu'elle applique mécaniquement à la technique une formule tout est possible qui a été forgée par Hannah Arendt pour caractériser un phénomène très différent, le totalitarisme, ou qu'elle applique mécaniquement un principe qui n'a pas grand-chose à voir avec la technique tout ce qui est possible sera nécessairement réalisé connu sous le nom de principe de Gabor). [...]
[...] Trancher entre ces deux conceptions de la morale nous embarquerait dans un examen trop long. Il me semble que l'on peut dire au moins ceci : même s'il y a des limites proprement morales à la technique (nombreux sont ceux qui, parmi vous, pensent cela, sans doute, car ils refusent de considérer la morale comme une branche de la technique), il ne faut pas sous-estimer la capacité des techniques à résoudre les problèmes engendrés par les techniques : les tâches de direction, d'organisation, de distribution, d'optimisation et de management du système technique dans son ensemble sont de moins en moins abandonnés à la main invisible, à l'autorégulation automatique ou au hasard, pour être de plus en plus nettement revendiquées comme tâches techniques, relevant de la responsabilité et de la compétence de la technique elle-même (J.P. [...]
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