Kant, dans ce texte, extrait de l'Anthropologie d'un point de vue pragmatique, analyse le rapport que l'homme entretient à la liberté. Celle-ci n'est pas, pour Kant, une donnée qui nous serait spontanée. L'homme a donc besoin d'être éduqué s'il veut un jour accéder à son être libre. Par conséquent, penser la liberté revient à s'intéresser à la manière par laquelle on amène l'enfant à se réaliser humainement. L'enjeu auquel se confronte Kant est donc d'une brûlante actualité : comment doit-on s'y prendre pour que l'enseignement proposé à l'élève l'instruise véritablement et ne soit pas qu'un simple apprentissage par lequel la société s'assure du bon renouvellement de ses agents économiques ? Si l'homme ne peut se dispenser de s'insérer dans la vie sociale et économique de son pays, si son statut social dépend de la fonction qu'il occupe au sein de l'organisation de la société à laquelle il appartient, il n'empêche que l'on ne peut y réduire la valeur de son être. L'homme est né, non pour être économiquement rentable, mais pour se réaliser en tant qu'être libre. Cependant, quel sens devons-nous accorder à cette liberté ? Peut-on, et doit-on, la penser en dehors de toute relation à autrui ? Si l'homme est par définition un « animal politique », comme le définissait Aristote, comment concilier la réalisation de soi et la vie en commun ? C'est à une telle problématique que Kant s'attache dans ce texte.
Afin de la résoudre, Kant pose ce qui pourrait, à première vue, paraître un paradoxe : la liberté ne peut se penser sans un rapport intime à la contrainte. Kant semble même aller plus loin dans son raisonnement et affirme que la liberté est la contrainte qui a su s'intérioriser.
[...] La notion même d'adulte demande donc à être repensée. Si l'âge de la majorité pose socialement l'entrée dans l'âge adulte, il semble bien qu'un tel critère soit largement insuffisant pour le définir totalement. Est adulte, tout d'abord, celui qui a été éduqué pour le devenir. La notion d'adulte est donc étroitement apparentée à celle de liberté : celui qui sait être libre a du même coup un comportement adulte. Celui qui ne sait pas être libre, qui n'en a pas compris par conséquent les présupposés, n'a donc pas un comportement adulte. [...]
[...] Mais cet enseignement ne peut se faire sur un plan uniquement théorique. La liberté s'éprouve tout autant qu'elle se prouve, et c'est pourquoi l'enfant doit se voir agir comme s'il était libre alors même qu'il en est encore incapable. On comprend alors la raison pour laquelle l'éducation [doit] concilier sous une contrainte légitime la soumission avec la faculté de se servir de sa liberté. Comprendre la position de Kant implique que soient clairement distinguées la contrainte légitime et la soumission Contraindre légitimement n'est pas soumettre. [...]
[...] C'est à cet exercice périlleux que nous convie ici Kant. Dans une première partie, celui-ci nous rappelle que si l'éducation a un droit de contrainte, celui-ci ne peut se voir légitimé que s'il permet à l'individu de comprendre le sens et la portée exacts de la notion de liberté. C'est pourquoi Kant peut, dans un second temps, souligner avec force que la liberté s'acquiert et qu'elle ne peut se concevoir comme pure spontanéité du désir. Afin de rendre son discours aussi concret que possible, Kant termine son exposé en proposant trois règles éducatives précises par lesquelles un éducateur peut amener l'enfant à devenir soi-même tout en respectant ceux avec qui il doit nécessairement vivre. [...]
[...] L'adulte a donc pour devoir d'imposer à l'enfant le comportement qui doit être le sien. L'enfant est donc, par sa définition même d'enfant, sous la dépendance de l'adulte. Son statut d'enfant le pose donc dans une obéissance envers l'adulte. Et l'adulte a donc le devoir de soumettre l'enfant à ses ordres. Cependant, dans ce rapport de dépendance entre adulte et enfant, une dérive est toujours possible. S'il est vrai que l'enfant doit se plier aux ordres de l'adulte, il n'est pas vrai que l'adulte puisse imposer ce qu'il désire à l'enfant. [...]
[...] L'éducation apparaît comme le pilier central de sa réalisation car, n'étant pas innée mais à acquérir, elle se doit d'être transmise. Seul l'homme éduqué devient dès lors capable d'être éducateur, c'est-à-dire d'élever un enfant afin de le conduire vers sa propre réalisation de soi. L'enjeu est de taille car si l'homme s'avère incapable d'amener sa descendance à une telle intégration du sens même de la liberté, c'est la démocratie qui se révélera impossible. L'homme retournera alors à un état de barbarie où son humanité et sa liberté se verront gravement menacées. [...]
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