Le concept de liberté est particulièrement difficile à cerner. Spontanément, on définirait la liberté comme l'absence totale de contrainte « étrangère » (étrangère dans le sens d'extérieure, c'est-à-dire : ne venant pas de l'individu considéré). Cette première définition semble assez vague, voire sommaire. En philosophie, la liberté fut d'abord pensée par les stoïciens, indépendamment de toute condition extérieure, comme un détachement complet de tout ce qui échappe à son propre pouvoir et ne dépend pas de soi. La liberté apparaît donc comme un privilège, accessible à une minorité pourvue d'une force d'âme exceptionnelle et pouvant effectuer un tel détachement. La philosophie classique associe la liberté avec l'indépendance intérieure (...)
[...] C'est en ce sens qu'on peut dire que l'humanité se fait dans l'obéissance à la raison. Considérant l'humanité comme aboutissement d'un processus d'émancipation de passions "naturelles" ou animales, d'instinct, on peut en tirer la conclusion que la liberté procède de l'obéissance ou tout du moins d'une utilisation adéquate de cette faculté de raison. De même, cette faculté de raison devrait permettre de s'affranchir de ce qu'on nommait plus haut les "passions sociales", non plus animales, mais induites par la vie en société, et tout aussi déterminantes. [...]
[...] Elle fait, certes, l'économie de la distance qu'impliquerait un cheminement réflexif, mais l'immédiateté qui lui est propre n'en fait pas pour autant une progression exempte de toutes chaînes. Pire encore, ces chaînes qu'il est impossible de voir sont d'autant plus liberticides. On comprend que Rousseau ait pu écrire dans son Contrat social : l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté On conçoit alors que toute une partie de la philosophie classique ait assigné à la raison un rôle libérateur. [...]
[...] On peut également l'opposer à la folie, en la définissant comme la faculté de bien juger, de distinguer le vrai du faux. Dès lors que l'on considère que la raison est universelle (bien que ses manifestations ne le soient pas) et propre à l'Homme, lui obéir semble être ce qui confère son humanité à un individu. Définir la liberté comme l'obéissance à la raison, revient à prétendre que la liberté qui s'oppose pourtant à la contrainte, requiert de suivre sa raison, et donc obéir à quelque chose. [...]
[...] De même, le paternalisme qui rationalisa jusqu'à la vie privée des ouvriers dans les corons. Un Chaplin a pu dénoncer ce que cet excès de raison a pu avoir d'aliénant, d'infantilisant et donc de déshumanisant et liberticide. Le rationalisme poussé à l'extrême se traduit aussi par la mise en place ou l'invention de concepts dénué de toute morale, exempte de tout sentiment humain (un autre paradoxe), comme par exemple, les camps de concentration, puis d'extermination. On voit donc que l'excès de raison, le rationalisme, et la croyance aveugle dans la toute puissance de la raison humaine peut conduire à l'enfermement et l'extermination de l'Homme, y compris dans un sens symbolique. [...]
[...] S'il ne faut pas la confondre avec son excès qu'est le rationalisme, souvent résultat déraisonnable des louanges faites à la raison humaine, il ne peut ni ne doit être dissocié de cette dernière. Obéir à la raison, s'y soumettre, ce n'est pas nécessaire devenir libre. La raison n'est qu'une faculté qui fait de l'individu l'Homme libre en puissance. La liberté ne peut donc pas se définir comme l'obéissance aveugle en la raison, ce serait déraison. En revanche, l'usage de la raison, y compris à l'égard de la raison-même, semble être une étape obligée de l'accès à la liberté. [...]
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