La piété filiale est une valeur fondamentale dans la société de la Chine traditionnelle, un point cardinal dans son système moral. « Ne manque jamais à ton devoir de conformité » (Les Analectes: II, 5) est la définition primaire de cette valeur organisatrice de la société toute entière. Les fils, aussi bien que les filles, doivent se soumettre à la volonté de leurs parents, et plus particulièrement du père. Les belles-filles, quant à elles, comme il est le cas dans notre court récit, se doivent d'obéir aux belles-mères, conséquence d'un système post-marital patrilocal et patrilinéaire.
Le récit avec lequel nous sommes confrontés (Les Analectes) est intéressant à bien des égards. S'il informe sur un modèle de soumission commun dans le système social de la Chine traditionnelle, il introduit surtout des concepts clefs dans l'élaboration des philosophies religieuses du moment. Les notions de liberté, de nature et d'honnêteté sont non seulement cruciales en elles-mêmes, du fait de leur appartenance à une cosmologie, un univers de sens bien précis, mais ces notions sont également reliées entre elles, plus ou moins directement. Il convient dés lors de bien discerner les particularités de chaque concept, leur univers de sens, et leur liens, tout en en définissant les limites.
[...] Dans la mythologie chinoise, la terre, le ciel et les humains doivent être coordonnés, en équilibre, selon les principes du Yin Yang, expression d'un dualisme complémentaire plutôt que d'opposition binaires. Ainsi, les émotions et le comportement de la belle-fille sont harmonie, comme l'harmonie naturelle qui régit le monde tout entier et qui permet la liberté. Elle est honnête dans l'expression de la piété filiale qu'elle se doit de ressentir, elle la ressent réellement. Son être était un, et son non-être était un. En étant un, il agissait comme un compagnon du ciel. [...]
[...] Dans l'état de Wu wei, l'homme devient un avec la nature et fusionne avec Tao, la Voie, principe unificateur du Ciel, de l'homme et de toutes les autres choses qui forment l'univers. Ainsi, la nature est un état secondaire, et non primaire, atteint à travers un long processus de ‘cultivation' personnelle. Perverties par les conditionnements sociaux, les actions ne redeviennent naturelles qu'après un long processus. Il est alors nécessaire de noter que dans la culture Occidentale, l'idéal est culturel et non naturel, et la culture est atteinte par l'étude et un travail sur soi afin de se libérer d'un état de nature, jugé de façon négative. [...]
[...] (Chuang Tzu : 34) L'homme ne peut en fait s'empêcher de voir le monde à travers des oppositions binaires, le bien ou le mal, le désirable ou le non-désirable, la joie et la colère, ceci et cela Mais l'homme ne voit pas la relation que les contraires entretiennent entre eux, ces contraires sont en fait des dualismes qui ne font qu'un, ceci est cela Le fait d'émettre des jugements sur le monde, sur la réalité, est en fait un conditionnement social dont il faut se libérer. En admettant que ceci est cela que la joie est la colère, l'homme n'a plus aucune raison pour se concentrer sur ces oppositions, et est donc libre du monde, de la réalité, des conventions. Dans notre récit, la belle fille a compris que sa belle-mère n'est ni bonne, ni mauvaise, que sa belle-mère est, tout simplement. Elle peut dés lors la comprendre. [...]
[...] Les deux mondes sont sur le même niveau, le monde humain ne cherche pas à dominer le monde animal. Parallèlement, les cités impériales ont été construites selon les principes du Feng shui : le monde humain se conforme à la nature et non le contraire. Dans le même ordre d'idée, les rituels sont naturels. Autrement dit, la nature n'a pas peur des répétitions. Les saisons se répètent les unes après les autres. Les rituels sont l'expression d'une moralité authentique et sincère, authenticité que l'on ne peut retrouver que dans la nature. [...]
[...] Autrement dit, comment être sur que j'exerce ma liberté à travers mes désirs, qui ne sont peut-être simplement que le résultat d'une pression sociale indiscernable. Si cela s'avérait être le cas, je ne serais donc plus libre, mais prisonnier d'un conditionnement social. Le Taoïsme élabore sur ce concept de conditionnement social. L'homme doit se libérer du monde afin d'être libre. Il faut être capable de mettre le monde à l'extérieur de soi-même de mettre les choses à l'extérieur de soi-même et même de mettre la vie a l'extérieur de soi-même (Chuang Tzu: 79). [...]
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