Le cinéma nous montre de nombreuses figures de "nouveaux Robinsons" pour qui la quête d'une vie naturelle est synonyme de liberté. De "Mosquitoe coast" de Peter Weir au plus récent "Into the Wild" de Sean Penn, l'idéal de liberté apparaît dans l'affranchissement des relations sociales. Autrui semble donc un obstacle à ma liberté, sa liberté une limite à la mienne. Mais la liberté de chacun s'arrête-t-elle seulement là ou commence celle d'autrui (...)
[...] Car, si j'y réfléchis un tant soit peu, pourquoi diable devrais-je limiter ma liberté pour laisser place à celle d'autrui ? Si j'en ai la possibilité ou le pouvoir, n'ai-je pas naturellement tendance à prendre la plus grande place possible sans me soucier des autres (et n'est-ce pas malheureusement ce qui se passe dans les faits). On pourrait même voir, suivant ainsi les analyses de Freud dans Malaise dans la culture toute forme de morale et de culture comme ce qui montre qu'il n'est guère naturel de respecter la liberté des autres : si on a tant besoin de règles, d'injonctions morales et religieuses, de lois, c'est bien que cela va à l'encontre de nos tendances naturelles. [...]
[...] De même, Il aurait suffit à Alex, le héros de into the wild médiation d'un simple objet technique (un médicament) pour survivre. Autrui par sa seule présence me libère de ce qui m'enferme. Comment en effet échapper aux déterminismes culturels sociaux sans le recours aux autres. En écoutant autrui en constatant et en acceptant sa différence et peut-être en prenant conscience de la validité de ses choix je peux choisir de changer, et ainsi par exemple, échapper en partie au poids de ma culture, de mon histoire, de mon milieu. [...]
[...] Ce qui nous conduira, dans un troisième moment à opposer à ce lieu commun l'idée que ma liberté commence là ou commence celle d'autrui. Il n'est pas rare, lorsque l'on invite quelqu'un à une réflexion sur la liberté que l'on entende d'emblée affirmé, avec la docte assurance d'une vérité incontestable, le lieu commun qui veut que la liberté s'arrête là ou commence celle des autres. Cette assurance qui s'accompagne souvent d'une difficulté à énoncer des raisons autres que la vague nécessité consensuelle du respect des autres, n'est le plus souvent que le symptôme du préjugé. [...]
[...] Le paradoxe est que la loi en venant circonscrire ma liberté (de fait, le plus souvent elle interdit une action ou en limite la portée) me donne concrètement la possibilité d'être libre. A l'inverse de Hobbes pour qui cette limite est fondée sur un renoncement, Rousseau montrera que la loi est la seule garante d'une liberté réelle. Car ainsi qu'il l'affirme dans les lettres à la montagne , la liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à ne pas être soumis à la volonté des autres. Si on accepte cette définition on comprend maintenant en quel sens on peut affirmer que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle d'autrui. [...]
[...] Ne pas être soumis aux lois des hommes ne me dispense pas d'être soumis à celle bien plus rudes de la nature. Bien plus rudes car, si celle des hommes obligent laissant en fin de compte toujours la liberté de choix, celle de la nature sont absolument contraignantes. Mais plus encore que le monde qui m'entoure, ne suis-je pas, moi-même, le propre obstacle à ma liberté. La liberté ne peut se réduire à l'idée de faire ce qui nous plait. [...]
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