Si la question de la liberté était exposée, au cours des années précédentes, comme rapport problématique de la conscience à la vie, Sein und Zeit abandonne définitivement cette optique pour lui en substituer une nouvelle, axée non plus sur une phénoménologie de la vie mais sur ce que Heidegger nomme l'analytique existentiale. Il convient de mettre à jour les caractères de l'analytique existentiale qui la distinguent de la phénoménologie de la vie.
Entre 1924 et 1927, ont eu lieu une temporalisation et une ontologisation de l'existence humaine. Par temporalisation, il faut entendre une définition de l'homme exclusivement axée sur ses caractères temporels : le Souci (Sorge), la ruinance (Ruinanz) et la finitude. L'homme ne doit plus être considéré comme une chose vivant dans l'espace, mais comme une temporalisation en marche dont même l'espace dépend. Le temps du Dasein, de surcroît, diffère radicalement de celui des autres genres de choses. Et même, la plupart des choses sont dénuées de temps. Seuls l'homme et les animaux disposent d'une temporalité, les choses ‘brutes' n'en ont pas. La temporalité de l'homme possède ceci de particulier qu'elle est la plus dense, la plus profonde et la plus complexe qui soit. Cette temporalité, nous la confondons habituellement avec ‘la conscience'. Lorsque nous disons de l'homme qu'il est le seul être conscient de lui-même, nous n'affirmons rien d'autre que son caractère temporal spécifique. Le terme de conscientia, toutefois, en raison de sa caractérisation cartésienne, ne convient pas à Heidegger. Celui-ci préfère aborder l'homme à travers sa structure temporelle - la conscience, après tout, dérive de cette structure et non l'inverse.
La seconde grande nouveauté annonçant Etre et Temps se situe dans l'identification de la temporalité humaine à la manifestation de l'Etre. La temporalisation qui caractérise l'homme ne serait pas seulement humaine mais, de surcroît, ontologique. Comment la temporalité constitutive de la conscience humaine se trouve-t-elle, selon Heidegger, liée à l'Etre ? La réponse à cette question enveloppe l'une des thèses les plus originales de l'histoire de la philosophie : Que l'Etre n'est ni Dieu, ni le monde mais, simplement, l'Etre en tant que différent des étants.
[...] Nous sommes seulement sûr, pour l'instant, que l'appel de la conscience morale convoque le Dasein à une modification de son propre être modification censée transformer une existence médiocrement menée par le On en une ipséité authentique, c'est-à-dire en un Je qui, sur fond de On, se trouve dorénavant conscient de ses possibilités les plus propres. Le concept de liberté, dans SZ, tend à se confondre avec celui d'ipséité authentique. Le Dasein accède à sa liberté en investissant son individualité, c'est-à-dire en s'installant au cœur même des possibilités qui caractérisent sa situation. Cela implique que sa liberté (ses possibilités) est toujours déjà donnée, avant même qu'il ne s'en empare. La production de la Etre et Temps, p.173. SZ, p.130. SZ, à 60. Traduction Martineau. [...]
[...] Le Dasein existe en vue de son propre être et de ses possibilités d'être. 239). Le Dasein n'a pas, comme les animaux, à subir éternellement l'accaparement produit par les pulsions biologiques. En tant que transcendant, il n'est pas aliéné à la nature et ce même si, en tant qu'il est factuel, elle constitue toujours son environnement. Le Dasein est libre, car tout ce qui l'entoure est configuré par son propre être. Cette configuration, en tant qu'elle est placée sous le signe de la compréhension, est susceptible d'évoluer, de croître. [...]
[...] Il semble difficile de reconnaître une dimension morale à la conversion existentielle du Dasein telle que décrite dans Sein und Zeit. La morale, en effet, s'adresse au Je responsable de l'individu, à l'individu en tant que déjà maître de sa propre existence. Or, la conscience morale de SZ - dont Heidegger nous explique qu'elle convoque l'individu à assumer ses possibilités les plus propres - vise justement à faire émerger le Je responsable de l'individu, c'est-à-dire son possible pouvoir être entier »15. [...]
[...] La compréhension de l'être est elle-même une déterminité d'être du Dasein. Le privilège ontique du Dasein consiste en ce qu'il est ontologique. 12). Le propre du Dasein est d'entretenir, nous dit Heidegger, un rapport d'être à son propre être. Que faut-il entendre par une telle expression ? Tout d'abord, le Dasein est un étant. Mais cet étant n'est pas sur le même mode que les autres étants, il est sur le mode de l'avoir-à-être-son-être : pour cet étant, il y va en son être de cet être. [...]
[...] Le Dasein ne peut pas non plus trouver ses possibilités dans son propre être, puisqu'il se trouve lui-même défini comme pouvoir-être : La possibilité de saisir des possibilités ne peut être elle-même productrice de possibilités. L'activité transcendantale du Dasein, telle que définie dans les cours prononcés entre 1927 et 1930, solutionne cette difficulté. Comme nous l'avons vu, la transcendance désigne l'existence en tant que dépassement. Le Dasein se transcende lui-même, cela signifie qu'il existe sur le mode de la projection en avant de luimême et que, par conséquent, il n'évolue pas au sein de l'actualité mais de la possibilité. [...]
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