Il s'agit d'une dissertation consacrée à l'articulation des notions de liberté et de domination dans la philosophie de Sartre, de L'Etre et le néant à la Critique de la raison dialectique en passant par son Baudelaire.
[...] Avant que d'étudier les étapes majeures de cette entreprise philosophique, rappelons que cette dernière n'a pu être initiée qu'à partir d'une première conceptualisation de la liberté, radicalement innovante et à laquelle Sartre restera fidèle tout au long de son parcours intellectuel. Dans L'Etre et le Néant, la liberté sartrienne ne se définit pas comme cette propriété caractéristique de la conscience humaine qu'est le libre-arbitre mais bien plutôt comme le mode d'être de cette dernière. La conscience, en effet, diffère de l'ensemble des objets du monde en ce qu'elle ne coïncide jamais avec aucun des objets qu'elle vise ni, de fait, avec aucun de ses états, données ou vécus. [...]
[...] Une autre mise en situation de cette dialectique de la liberté et de la domination est proposée par Sartre dans la Critique de la raison dialectique, à partir de la transformation du « collectif » en un « groupe » dans le contexte de la prise de la Bastille et de la constitution de comités révolutionnaires en 1789. La situation de départ est celle d'une juxtaposition d'individus dans la situation d'atomisation sociale que nous avons mentionnée supra comme l'une des conditions objectives rendant possible la domination. [...]
[...] Il apparaît naturel, au moment d'interroger l'articulation causale et dynamique entre liberté et domination, de convoquer la pensée de J.-P. Sartre, figure majeure de la vie intellectuelle française au XXème siècle. La question de la liberté, en effet, traverse l'ensemble de l'œuvre littéraire et de philosophique de Sartre, depuis La Nausée (1938) jusqu'à la Critique de la raison dialectique (1960), en passant par Huis clos (1944) et L'Etre et le Néant (1943). Par surcroît, le fait que cette pensée de la liberté se soit déployée au carrefour de l'existentialisme et du marxisme n'est pas sans conséquence sur la possibilité d'y trouver le type de conceptualisation que nous recherchons. [...]
[...] L'analyse de la trajectoire de l'écrivain J. Genet que conduit le philosophe dans l'important volume Saint Genet, comédien et martyr (1952) montre, en effet, que si Genet a si profondément intériorisé le verdict ostracisant, prononcé à son encontre par la collectivité suite à la commission d'un vol, que celui-ci a fini par s'imposer à lui comme un « destin », la prophétie auto-réalisatrice d'une vie de péché et de marginalité, c'est avant tout parce que ce verdict était celui d'un groupe d'adultes à l'endroit d'un enfant. [...]
[...] Afin d'illustrer la dialectique de la liberté et de la domination qui se met progressivement en place dans la pensée sartrienne après L'Etre et le Néant, nous commençons par nous intéresser à l'analyse de l'esclave et du colonialisme dans Situations V et la Critique de la raison dialectique. L'esclavage apparaît, de fait, comme une forme extrême de la domination, dans laquelle toute liberté politique est déniée par le maître à l'esclave, le second se trouve non seulement « réifié » au sens sartrien mais hérité intégré au mobilier du premier. [...]
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