Ethique, Ontologie et Phénoménologie chez Lévinas

Résumé du document

L'intitulé du sujet à traiter tel qu'il se donne : "Ethique, ontologie et phénoménologie chez Emmanuel Lévinas", laisserait supposer à première vue que l'?uvre de Lévinas s'articule autour de trois domaines, trois disciplines permettant chacune de rendre compte d'une réalité telle que la morale, l'être ou le sens, thématisée comme telle dans une certaine fixité conceptuelle alors que nous nous trouvons en fait face à un perpétuel débordement dynamique de tous les domaines de l'être et du savoir, un bouleversement, une mise en question de toutes les significations qui se produit à partir du site originaire du rapport éthique comme rapport à autrui dans son visage.

Extraits

[...] On peut remarquer souvent que dans l'œuvre de Lévinas la signification du savoir, de l'ontologie comme totalisation du sens, du logos-rasemblement ou même de l'intentionnalité phénoménologique se trouve saisie comme en "flagrant délit" de ne pas dire ou de dire mal ce rapport à l'altérité absolue d'Autrui et qu'il s'agira de déployer éthiquement ces significations pour qu'elles retrouvent toute la "jeunesse" d'une authenticité originaire, de leur redonner en quelque sorte un nouveau "souffle" qui puisse les réveiller de leur assoupissement, les sortir de leur vieillissement. Nous allons tenter maintenant de déconstruire ces mécanismes de mécompréhension de l'éthique que sont l'ontologie et la phénoménologie débordées et retournées qu'elles sont par le rapport éthique qui se donne quant à lui comme le lieu de la vraie connaissance, vraie théorie, vraie critique, métaphysique véritable pour ne pas dire plus ontologique que l'ontologie comme le suggère Ricoeur, ontologie qu'il discerne à travers les notions de Bonté, d'Infini, d'Illéite, de Nom de Dieu[1]. [...]

[...] Si j'accède à mon propre sens autrement que par moi-même, c'est-à-dire par Autrui, j'accède du même mouvement à une signification plus haute, plus éminente, plus riche, ce qui signale encore la hauteur, l'éminence, la profondeur du rapport éthique sur l'ontologique. Etre ouvert à une signification plus haute, signifier toujours plus que je ne peux signifier, n'est-ce pas le rêve de tout homme ? Si je signifie plus qu'un "me voici pour les autres" ceci représente certainement un dépouillement ontologique extrême, une déstabilisation insécurisante de mon être, mais perdant le privilège de l'être, je gagne celui de l'Infini. [...]

[...] La présence de la conscience auprès des choses est pourvoyeuse de sens et fait éclater l'être ; la conscience non renfermée en elle-même sort de son immanence, de l'élément du même, fonctionne comme une transcendance capable de se laisser "affectée" par l'objet qui l'a suscitée. "L'intentionnalité signifie que toute conscience est conscience de quelque chose, mais surtout que tout objet suscite la conscience par laquelle son être resplendit et par la même apparaît."[22]Lévinas écrit encore : "là où toute la sinngebung était l'œuvre d'un moi souverain l'autre en effet ne pouvait que s'absorber dans une représentation. [...]

[...] On ne s'interroge pas sur lui, on l'interroge."[15] Qui plus est, Autrui dans son Visage m'interroge d'emblée, me parle avant de me parler ou que je lui parle, m'interpelle et me saisit avant toute identification ou compréhension préalable. Autrui donc me concerne à partir de lui-même non à partir de l'être et du savoir. Au lieu de réduire autrui dans son altérité je suis comme anéanti dans mes possibilités de pouvoir. Le sens que me délivre le Visage d'Autrui, son auto-signifiance ne vient pas de moi. Le visage d'Autrui signifie donc comme tel antérieurement à toute référence à une signification constituée ou donnée. [...]

[...] Pensée qui se tient dans l'ouverture à l'Infini qui me donne lui-même à penser dans le visage d'Autrui. Il s'agit donc de penser une pensée qui dépasse l'intentionnalité car l'intentionnalité qui vise l'idée de l'Infini accomplie dans le rapport éthique est-ce encore une intentionnalité puisqu'elle vise ce qu'elle ne peut embrasser ? L'altérité radicale de l'Infini ne risque pas de s'amortir dans la pensée qui le pense puisque l'Infini ne rentre pas dans son idée, il lui reste toujours extérieur. [...]