1. La substance est un être capable d'action. Elle est simple ou composée. La substance simple est celle qui n'a point de parties. La composée est l'assemblage des substances simples, ou des monades. Monas est un mot grec qui signifie l'unité, ou ce qui est un. Les composés, ou les corps, sont des multitudes; et les substances simples, les vies, les âmes, les esprits sont des unités. Et il faut bien qu'il y ait des substances simples partout, parce que sans les simples il n'y aurait point de composés; et par conséquent toute la nature est pleine de vie.
2. Les monades, n'ayant point de parties, ne sauraient être formées ni défaites. Elles ne peuvent commencer ni finir naturellement, et durent par conséquent autant que l'univers, qui sera changé, mais qui ne sera point détruit. Elles ne sauraient avoir des figures; autrement elles auraient des parties. Et par conséquent une monade en elle-même, et dans le moment, ne saurait être discernée d'une autre que par les qualités et actions internes, lesquelles ne peuvent être autre chose que ses perceptions (c'est-à-dire les représentations du composé, ou de ce qui est dehors dans le simple), et ses appétitions (c'est-à-dire ses tendances d'une perception à l'autre) qui sont les principes du changement. Car la simplicité de la substance simple n'empêche point la multiplicité des modifications qui se doivent trouver ensemble dans cette même substance simple, et elles doivent consister dans la variété des rapports aux choses qui sont au-dehors. C'est comme dans un centre ou point, tout simple qu'il est, se trouvent une infinité d'angles formés par les lignes qui y concourent (...)
[...] Le présent est gros de l'avenir : le futur se pourrait lire dans le passé; l'éloigné est exprimé dans le prochain. On pourrait connaître la beauté de l'univers dans chaque âme si l'on pouvait déplier tous ses replis, qui ne se développent sensiblement qu'avec le temps. Mais, comme chaque perception distincte de l'âme comprend une infinité de perceptions confuses qui enveloppent tout l'univers, l'âme même ne connaît les choses dont elle a perception qu'autant qu'elle en a des perceptions distinctes et relevées; et elle a de la perfection à mesure de ses perceptions distinctes. [...]
[...] Car le rien est plus simple et plus facile que quelque chose. De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu'on puisse rendre raison pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement Or, cette raison suffisante de l'existence de l'univers ne se saurait trouver dans la suite des choses contingentes, c'est-à-dire des corps et de leurs représentations dans les âmes; parce que la matière étant indifférente en elle-même au mouvement et au repos, et à un mouvement tel ou tel autre, on n'y saurait trouver la raison du mouvement, et encore moins d'un tel mouvement. [...]
[...] Et ce qu'on vient de dire des grands animaux a encore lieu dans la génération et la mort des animaux spermatiques mêmes; c'est-à-dire, ils sont les accroissements d'autres spermatiques plus petits, à proportion desquels ils peuvent passer pour grands, car tout va à l'infini dans la nature. Ainsi non seulement les âmes, mais encore les animaux sont ingénérables et impérissables: ils ne sont que développés, enveloppés, revêtus, dépouillés, transformés; les âmes ne quittent jamais tout leur corps et ne passent point d'un corps dans un autre qui leur soit entièrement nouveau. Il n'y a donc point de métempsycose, mais il y a métamorphose. [...]
[...] Et outre le plaisir présent, rien ne saurait être plus utile pour l'avenir, car l'amour de Dieu remplit encore nos espérances et nous mènes dans le chemin du suprême bonheur, parce qu'en vertu du parfait ordre établi dans l'univers, tout est fait le mieux qu'il est possible, tant pour le bien général qu'encore pour le plus grand bien particulier de ceux qui en sont persuadés et qui sont contents du divin gouvernement; ce qui ne saurait manquer dans ceux qui savent aimer la source de tout bien. Il est vrai que le suprême félicité (de quelque vision béatifique, ou connaissance de Dieu, qu'elle soit accompagnée) ne saurait jamais être pleine, parce que Dieu étant infini, ne saurait être connu entièrement. Ainsi notre bonheur ne consistera jamais et ne doit point consister dans une pleine jouissance, puis il n'y aurait plus rien à désirer et qui rendrait notre esprit stupide; mais dans un progrès perpétuel à de nouveaux plaisirs et de nouvelles perfections. [...]
[...] Comme en me promenant sur le rivage de la mer, et entendant le grand bruit qu'elle fait, j'entends les bruits particuliers de chaque vague dont le bruit total est composé, mais sans les discerner; nos perceptions confuses sont le résultat des impression que tout l'univers fait sur nous. Il en est de même de chaque monade. Dieu seul a une connaissance distincte de tout; car il en est la source. On a fort bien dit qu'il est comme centre partout; mais que sa circonférence n'est nulle part, tout en lui étant présent immédiatement, sans aucun éloignement de ce centre Pour ce qui est de l'âme raisonnable ou de l'esprit, il y a quelque chose de plus que dans les monades, ou même dans les simples âmes. [...]
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