Le langage est nécessaire en ce qu'il permet aux hommes de communiquer entre eux leurs pensées, leurs passions, leurs sentiments. Néanmoins, chacun peut observer que les mots utilisés sont, parfois, inadéquats, impropres à qualifier tel ou tel sentiment que l'on cherche à exprimer. Peut-on, alors, tout dire ? Est-il possible que le langage puisse faire part de toutes les pensées, de tous les sentiments des hommes dans leurs nuances les plus complexes ? Dans ce texte, le philosophe Sartre expose sa thèse sur la question, disant que tout peut être nommé, que le langage peut, "a priori", rendre compte de tout ressenti. Pourtant, n'y aurait-il pas une réalité qui échapperait à la nomination, celle des cinq sens ? (...)
[...] Pour Sartre, la pensée semble toujours communicable, ce qui s'oppose à la thèse de Bergson qui dit que par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent ; la pensée demeure incommensurable avec le langage Ainsi nous avons là deux thèses radicalement opposées. Bergson affirmant que la pensée est plus haute que le langage et que l'exprimer serait la vulgariser. Les mots ne pouvant peut-être pas être saisis par tous dans un unique sens, universel, l'interprétation de chacun tendrait à falsifier la véritable idée d'un auteur. [...]
[...] De même pour la pensée : la conceptualiser par des mots, n'est-ce pas la réduire, la tronquer ? L'indicible n'existerait-il pas ? Dans les deux premières lignes, Sartre fait le constat que, parfois, les mots ne sont pas en adéquation totale avec ce que nous ressentons. Ainsi, il utilise le pronom personnel je désignant les hommes parlant et ayant forcément fait un jour cette expérience frustrante des mots inappropriés, pour décrire des sentiments tel que l'amour pour reprendre l'exemple donné par le philosophe. [...]
[...] On a parfois tendance à oublier que le dictionnaire rangé dans notre armoire ne nous a pas été promis qu'il reste une invention de l'homme pour se faire comprendre en société. De ce fait, si de nouvelles pensées, de nouveaux sentiments lui viennent, d'apparences indicibles avec le bagage lexical donné, il ne tient qu'à lui d'inventer de nouveaux mots. Il ne faut pas que les carences du langage soient un obstacle à la mise en forme de la réflexion de l'homme. [...]
[...] Comme le savoir-faire, le langage n'est pas inné chez l'homme. D'ailleurs, Sartre utilise une phrase de Alain : on ne nous a rien promis pour montrer que l'homme est seul face à ce qu'il veut dire, qu'il n'y a pas d'énoncé déjà établi et qui soit en pure adéquation avec ses pensées. Il doit sans cesse nommer pour se faire comprendre et maîtriser cet art de la nomination pour mieux se faire comprendre. C'est d'ailleurs l'idée que le penseur développe de la ligne 9 à 18. [...]
[...] Pas même que nous trouverions les phrases adéquates. Le sentiment parle : il dit qu'il existe, qu'on l'a faussement nommé, qu'il se développe mal et de travers, qu'il réclame un autre signe ou à son défaut un symbole qu'il puisse s'incorporer et qui corrigera sa déviation intérieure; il faut chercher : le langage dit seulement qu'on peut tout inventer en lui, que l'expression est toujours possible, fut-elle indirecte, parce que la totalité verbale, au lieu de se réduire, comme on croit, au nombre fini des mots qu'on trouve dans le dictionnaire, se compose des différenciations infinies entre eux, en chacun d'eux - qui, seules, les actualisent. [...]
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