Rimbaud, dans sa Lettre à Paul Demeny, rêve d'un langage universel, qui ne serait que pure pensée et qui toucherait ainsi l'humanité : « un langage qui serait de l'âme pour l'âme ». Ce désir utopique rend compte de caractéristiques propres au langage. Le langage s'effectue dans une langue qui est celle d'une communauté donnée et dans une parole qui est individuelle. Le langage se place donc hors de l'universel, entre l'individu et la communauté. Alors, le langage est-il l'œuvre d'un sujet ?
Le langage comprendre la langue, en tant que communauté de signes linguistiques partagés, et la parole, qui est une prise en charge individuelle de la faculté de langage. S'il ne s'actualise pas, le langage est abstrait. Dire « est-il » c'est poser la question de l'essence, de la nature même du langage. Si j'affirme la proposition du sujet, cela veut dire que le langage n'est pas s'il n'est pas l'œuvre d'un sujet ; il en va de l'être du langage.
Être l'œuvre de quelqu'un ou de quelque chose signifie ce qui est fait par quelque chose qui est son origine. Le terme renvoie aussi à l'idée de création ou de production. Produire c'est façonner à partir d'une matière un objet nouveau. Dans production, on entend aussi produire selon une méthode donnée qui permet l'élaboration d'une infinité d'objets. Mais par œuvre il faut aussi penser la création qui renvoie au particulier : une création artistique, l'œuvre d'art est unique. Il y a alors dans œuvre l'idée d'une attention méticuleuse, d'une minutie particulière.
[...] Parler comme on créerait une œuvre d'art c'est parler avec attention et rigueur. Le langage s'effectuant dans la parole n'est pas évident et si l'on veut qu'il conserve sa vertu il faut le prendre avec précaution. On peut alors penser le langage avec Platon. Sa pensée du langage est implicitement partout : Socrate s'applique perpétuellement à définir précisément les termes qu'il utilise pour ne pas leur laisser de jeu. Un mot doit être pensé, interrogé, et aussi compris s'il ne veut pas être trompeur. [...]
[...] Le langage est-il l'œuvre d'un sujet ? Introduction : Rimbaud, dans sa Lettre à Paul Demeny, rêve d'un langage universel, qui ne serait que pure pensée et qui toucherait ainsi l'humanité : un langage qui serait de l'âme pour l'âme Ce désir utopique rend compte de caractéristiques propres au langage. Le langage s'effectue dans une langue qui est celle d'une communauté donnée et dans une parole qui est individuelle. Le langage se place donc hors de l'universel, entre l'individu et la communauté. [...]
[...] Le langage serait-il l'œuvre d'une communauté ? Mais, au lieu de penser les mots comme production à partir d'une matière commune, ne devrait-on pas penser que le langage est une œuvre comme création singulière pour être vraiment langage ? Si j'utilise des mots d'une communauté sans les interroger, alors je ne parle pas vraiment. En quoi peut-on dire que le langage, entendu dans son effectuation particulière mais aussi collective, est, pour ne pas se déposséder de ses vertus, l'œuvre d'un sujet qui le crée avec intelligence ? [...]
[...] On voit bien la différence avec les pensées de Merleau-Ponty ou de Heidegger. On parlerait avec les mots d'autres et serait ainsi dans une imprécision dangereuse. Les mots, s'ils sont ceux de la communauté, peuvent être empreints de la doxa, de l'opinion infondée et partagée. C'est l'intrusion de cette doxa qui est pernicieuse pour le langage. Mais, si les mots sont trompeurs et imprécis, il ne tient qu'à moi de les interroger. Le langage est à la fois subjectif, œuvre d'un sujet particulier, et objectif, œuvre d'une communauté. [...]
[...] Le langage permet l'acquisition de ce en tant que qui est proprement humain et donc parle Heidegger. Le langage ouvre donc un monde commun pour le sujet parlant, et c'est parce que ce monde est parlé qu'il peut être commun. Un monde en commun et aussi un monde social, où le sujet est en relation avec d'autres sujets. Le langage permet la socialisation d'un sujet. Le langage fait sortir l'homme de son autarcie primitive. Le langage est une œuvre d'un sujet et une œuvre essentielle : elle inscrit l'homme dans un monde commun. [...]
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