En pensant notre rapport au langage de manière spontanée, il peut apparaitre comme un outil. Il s'agit d'un lieu commun simpliste et partagé, le langage serait un outil de communication, un instrument. Parler d'instrument c'est penser le langage comme un moyen de concrétiser un certain but.
En ce cas, il y aurait un but, et ce but serait au-delà du langage. Il sera à définir précisément : en raisonnant en terme d'instrument, on dira que le langage « sert à » exprimer, communiquer et fixer la pensée. On devra penser le logos, concept grec qui signifie à la fois langage et raison, et montre bien ce lien intime entre langage et pensée.
Mais, il faut penser plus précisément l'idée d'instrument. L'instrument est un objet, voire une personne, dont on se sert en vue de réaliser un but, et qui nous est extérieure. Il faudra alors s'interroger sur la possible extériorité du langage par rapport à l'individu. Il y aurait une étrangeté dans l'intimité. Et s'il y avait une distance entre l'individu et son langage, alors il faudrait s'en méfier, il pourrait nous tromper. Instrumentaliser c'est aussi utiliser quelque chose ou quelqu'un de manière volontaire en vue d'une fin, aussi mauvaise et immorale soit-elle.
Il faudra penser l'instrumentalisation du langage. Instrument peut aussi référer à une idée de jeu, plaisante et ludique, comme peut être pensé l'activité poétique, en tant qu'elle donne au langage une nouvelle dimension esthétique. Il faut remarquer que penser le langage comme un instrument c'est le dévaloriser. Il faut penser la pleine positivité du langage, qui n'est pas un moyen mais a sa propre valeur d'être : le langage fait sens, il nous fait être au monde. Il s'agit toujours de l'idée d'accès à quelque chose, donc de moyen. Mais peut-on penser le langage comme un simple instrument compte tenu du rapport primordial qu'il engage au monde ?
[...] Le langage se pense ici comme un moyen, sans aucun doute nécessaire, pour l'homme. Il est garant de l'expression, de la révélation de la pensée. Le langage entretient donc un rapport intime à la pensée, il est, en continuant de penser le langage comme instrument, un moyen d'en attester et de la révéler. L'examen du terme grec de logos est particulièrement intéressant : il signifie à la fois langage et raison. Un être qui a le logos est un être qui pense, qui raisonne, et qui parle. [...]
[...] Il faut prendre garde à l'ambigüité du langage. Si l'on sait quelle est la faille, on ne doit plus se tromper. Si on pense le langage comme un instrument de la pensée, on pourrait en vouloir aux mots de mal en rendre compte, mais puisque la pensée n'est que dans le langage, on ne peut en vouloir aux mots de n'être pas fiables. Compte tenu de la consubstantialité du langage et de la pensée, on ne peut considérer le langage comme un simple instrument. [...]
[...] Il apparait comme un instrument de connaissance. II] Comme nous l'avons dit précédemment, penser le langage comme instrument c'est le penser comme moyen. Il y aurait donc une utilisation du langage, comme on utilise un outil qui nous est extérieur. On piocherait dans un éventail de mots mis à notre disposition, en nous. Les mots seraient à la fois dans moi et étrangers à moi-même, de l'étrangeté dans l'intimité. En s'exprimant comme cela, on considère qu'il y a d'un côté les mots, et de l'autre la pensée. [...]
[...] Le geste du corps est la conscience de ce geste, il y a une intentionnalité motrice selon Merleau-Ponty dans Phénoménologie de la Perception qui empêche la substantialisation du corps d'un côté et la pensée de l'autre. La sensibilité est le premier mouvement du corps vers le monde, il est cette corporéité commune entre moi et les choses. C'est dans cette perspective de geste qu'il faut penser le langage. Le langage ne saurait être séparé du corps propre, il en est la modulation. [...]
[...] Le langage peut être un instrument de séduction. Le langage véritable doit vouloir se rapprocher le plus possible de la vérité, mais qu'en est-il s'il ne le fait pas ? Le langage donne du pouvoir à celui qui sait l'utiliser habilement, aussi peut-on obtenir par lui ce qu'on veut de quelqu'un. Dans Gorgias de Platon, le personnage de Gorgias explique à Socrate que si un malade se présente à lui, il aurait plus d'autorité qu'un médecin quant à l'administration des remèdes puisque lui, Gorgias, sait utiliser le langage. [...]
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