Notre langage sert à donner une réalité extérieure à nos pensées dont l'existence n'est qu'intérieure. Mais est-ce là la seule et unique fonction du langage comme l'insinue la thèse subjacente ? Ne risque-t-on pas une limitation de la pensée, à la seule pensée consciente et le langage à la parole et aux mots écrits ? Ce sujet nous invite donc à réfléchir aussi bien sur le rapport du langage à la pensée, que sur l'analyse de l'antériorité et la primauté de l'un par rapport à l'autre, analyse sans laquelle notre tâche serait de plus en plus difficile.
L'analyse des termes du sujet nous révèle deux choses : a) Il s'agit bien du langage humain, donc du langage articulé en mots et en sons dont le rôle va au-delà de la simple communication, b) Le langage sert à extérioriser la pensée. Mais il pose la question de savoir si la seule finalité du langage est celle de servir à extérioriser la pensée, le réduisant par là au simple rôle d'instrument au service de celle-ci.
Mais si le langage extériorise notre pensée, il devrait en être une copie fidèle, or nous disons bien que notre pensée est trahie par notre langage. N'y aurait-il pas une contradiction dans cette fonction ?
[...] Phénoménologie de la perception), ne pense pas avant de parler, ni même pendant qu'il parle ; sa parole est sa pensée Ainsi, ce n'est pas sa pensée qu'il nous livre, mais ses mots. Nous ne sommes pas persuadés par sa pensée, mais les mots qu'il utilise et sa pensée n'a d'autres sens que celui que lui donne le langage. Car il est l'existence même du sens. Il n'est donc pas juste de dire que la parole fixe la pensée ou qu'elle l'enveloppe, mais que la pensée se donne dans la parole parce qu'elle celui- ci possède une puissance de signification qui lui est propre. [...]
[...] C'est donc pour elle un moyen inventé par notre pensée pour s'extérioriser. Tout comme le pense Rousseau, le langage est le fruit d'une nécessité sociale, ce qui lui donne son caractère conventionnel, arbitraire et donc non naturel. Certes, il est naturel que l'homme parle, mais ce qui n'est nullement naturel c'est la dénomination ou le classement introduit par le langage, autrement le rapport du langage à la chose dite. On pourrait même dire que le rapport du langage à la chose est purement culturel, il la désigne plutôt qu'il la signifie, puisqu'il veut varier d'une culture à l'autre, ce qui n'est pas le cas entre le langage et la pensée. [...]
[...] Dans ce cas précis, est-ce une erreur du mot qui signifie plus d'une chose ou bien est- ce la faute de la pensée qui peut exprimer de plusieurs façons ? Deuxièmement, que le langage est l'instrument de la communication, ce qui fait la presque unanimité des linguistes qui y voient sa fonction première. Mais dire du langage qu'il est l'instrument de la communication ne fait pas de l'homme, l'être par excellence doué de parole, si l'on ne précise pas que communiquer implique un dialogue intentionné dans le but de signifier, d'échanger des pensées avec quelqu'un, car les animaux et les plantes aussi communiquent réciproquement entre eux. [...]
[...] Enfin, que serait une pensée sans un langage qui lui permette de se donner clairement à autrui ? Autrement dit, le langage est- il un simple instrument de la pensée ou bien son fondement même ? Le langage a d'autres fonctions que la seule extériorisation de la pensée. Non seulement, il produit celle-ci et lui donne son existence réelle et par là il lui est supérieur. Il est l'élément fondamental dans la production de la vérité, mais aussi celui de la représentation et de la domination. [...]
[...] Enfin, la pensée n'existe et n'a de sens qu'à travers le langage qui la dévoile et s'il n'y a de pensée que dévoilée au monde, alors le langage devient supérieur à la pensée. On peut donc dire : Premièrement, que le langage mesure et produit la pensée lorsqu'on a l'impression qu'une pensée ne peut se dire par des mots, cette carence n'est nullement à imputer au langage, mais au contraire à la pensée qui s'avère impuissante dans son dévoilement. Ainsi, ne pas pouvoir dire une chose c'est que cette chose n'est pas claire. [...]
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