Si le beau et le laid sont des opposés, comment peut-on participer de l'un et de l'autre ? Une chose peut être plus ou moins agréable car l'agréable est une sensation, mais elle ne peut pas être plus ou moins bonne car le bon et le mal sont des essences. Il y a une problématicité du laid. Le laid est l'écart au canon du beau, la disharmonie, le difforme. A la limite dans l'informe on aurait le sublime (différencier l'informe et le difforme). Dans les arts, la caricature, le grotesque... ne sont pas forcément laids. Il y a ce que spontanément nous allons désigner comme laid, mais le problème est que le passage à l'art peut embellir le laid. Représenter le laid ? Que cela veut-il dire ? (...)
[...] Lʼexposition du laid est-elle elle même laide ? Aristote dans la poétique disait que nous prenons plaisir à la représentation, et que cʼest la beauté de la représentation qui nous importe. Cʼest bien lʼexposition du laid qui pose problème : comment exposer le laid sans lʼembellir, comme exposer le laid sans que lʼoeuvre soit elle-même laide. Tout ce que nous pouvons faire est cheminer entre lʼembellissement du laid ou une laideur telle que son exposition se communiquerait à lʼoeuvre. Le laid doit nous apparaître comme quelque chose de totalement improbable. [...]
[...] Il nʼy a pas de Zola de complaisance envers la laideur, et il la traque là où elle triomphe. Lʼart doit faire son affaire de ce qui est mis à lʼindex en tant que laid ( pour dénoncer dans le laid le monde qui le crée le reproduit à son image si bien que même là subsiste encore la possibilité de lʼaffirmatif en tant que connivence avec la dégradation en laquelle se transforme si généralement la sympathie pour les réprouver. [...]
[...] Le concept dʼartialisation est celui dʼun schématisme de lʼart : lʼart schématise par ses créations. Cʼest un regard qui créera des identifications. A travers la figure de Catherine Maheux devient possible un certain déchiffrement social. Lʼart peut exposer la laideur du monde sans susciter avec cette laideur de commisération ou bien dʼempathie de mauvais goût. Cela peut produire des schèmes artistiques qui fonctionnent comme des figures de résistance. Cʼest lʼoccasion de revenir sur le fonctionnement de la logique de rachat. Jean Genêt parle de la représentation de laideur comme entreprise de réhabilitation du laid. [...]
[...] En étant exposée, cette laideur est conservée, mais aussi dépassée. Cela peut poser un problème dʼinterprétation du martyre : de lʼincarnation comme abaissement. Huysmans à propos de Grunwald : Cʼétait le Christ des pauvres, celui qui sʼétaient assimilés aux plus misérables, qui venait racheter, aux disgraciés et aux mendiants, à tous ceux sur qui la laideur ou lʼindigence desquels s'acharnait la lâcheté de hommes ( ) Il avait ainsi pu mieux souffrir, râler, crever, ainsi quʼun bandit, ainsi quʼun chien, salement, bassement, en allant dans cette déchéance jusquʼau bout, jusquʼà lʼignominie de la pourriture, jusquʼà la dernière avanie du pu. [...]
[...] Ce nʼest pas encore une élucidation de la laideur naturelle. On a aussi lʼespèce de la laideur artistique : lʼintroduction de normes nouvelles en écart par rapport à des normes admises. Il pourrait aussi y avoir un jugement de dégoût vis-àvis de la culture telle quʼelle. M - Une manifestation effective de la laideur otre oeil peut-il voir le laid ? La laideur cʼest ce qui ne se laisse pas relever, sauver par le regard artistique - ce qui ne se laisse pas élever à la dignité dʼune figure. [...]
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