Kant soulève le problème suivant : "tous les hommes sont-ils capables de devenir libres, d'accéder à leur majorité ou bien la plupart sont-ils au contraire inaptes à la liberté, incapables de penser et d'agir par eux-mêmes ?" ou encore : "la soumission du plus grand nombre au plus petit est-elle inévitable, relevant d'une nature ou bien dépassable, relevant d'une histoire ?" (...)
[...] Tirons maintenant la conséquence : si les hommes sont majeurs, adultes selon la nature et sur son plan, ils ne le sont pas pour autant sur un autre ou d'autres plans sur les quels se déploient leur existence qui est aussi, on l'a vu, sociale, culturelle, juridique Il existe une minorité et une majorité qui ne sont pas naturelles puisqu'on peut être majeur selon la nature mais mineur juridiquement. Cela n'est pourtant pas de ces minorité et majorité juridiques dont Kant traite ici. La paresse et la lâcheté n'en sont pas les causes. [...]
[...] Mais qu'y a-t-il à craindre de la majorité ? Et quel est le rôle des tuteurs dont l'existence est intrinsèquement liée à celle des mineurs ? Kant insiste en effet dans ce passage sur le rôle et donc la responsabilité des tuteurs quant au fait de la minorité prolongée. Ces tuteurs sont en nombre réduits : ils sont une minorité numérique. On peut préciser ce qu'ils sont en s'intéressant à leur fonction : ils s'emploient à majorer le danger qu'il y a à passer de la minorité intellectuelle, morale à la majorité ou autonomie. [...]
[...] Mais il ne nous place que rarement face au risque d'accident ou de mort. Nous avons suffisamment de ressource, de force pour y faire face. A tout prendre comme on l'a vu, il y a en réalité moins de risque à user de son entendement et de sa liberté qu'à se confier aux bons soins d'un tiers qui ne se soucie réellement que de lui ! Kant justifie d'ailleurs son appréciation (plus juste) du danger : " car elles apprendraient bien enfin après quelques chutes à marcher " comme un enfant finit par le faire après quelques déboires. [...]
[...] Cependant, ces derniers pourraient bien être les seuls responsables de la minorité prolongée. Il faut alors penser à tous les tuteurs : parents, éducateurs qui se sont chargés d'élever les mineurs avant que la nature ne les affranchisse. Ils n'ont pas ménagé le passage de la minorité intellectuelle et morale à la majorité rationnelle. A leur décharge cependant, nous pouvons considérer qu'ils ont eux aussi été enfants avant que d'être hommes. (Descartes) ce qui repose le problème de la responsabilité ; à qui l'attribuer ? [...]
[...] Kant s'oppose en creux à une typologie naturelle : les uns ne sont pas nés pour dominer, d'autres pour obéir, d'autres encore pour devenir autonomes. Il affirme que chaque individu peut devenir majeur. Chacun peut conduire ses pensées et se conduire de manière rationnelle et autonome. Cependant, l'existence d'un désir de domination est patente chez tous : les tuteurs satisfont réellement ce désir tandis que les mineurs ont l'illusion de dominer, par l'argent essentiellement. Le désir est donc présent chez tous : il se combine chez le mineur à une sorte de désir de soumission tant celle-ci est confortable. [...]
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