Depuis le XVIIe siècle, empiristes et rationalistes se sont opposés pour expliquer, chacun à leur manière, l'accès à la connaissance, les uns pensant qu'elle reposait sur l'expérience, les autres la croyant obtenue par voie de raisonnement.
Kant apporte au problème une solution qui dépasse l'opposition des thèses en présence dans un texte où, prenant appui sur la pratique expérimentale de la physique moderne, il explique la nécessité d'avoir recours à la raison pour réaliser une expérience qui soit réellement instructive (...)
[...] Kant, Critique de la raison pure, préface de la seconde édition : Raison et recherche scientifique Commentaire philosophique d'un extrait de la préface de Critique de la raison Pure (seconde édition) de Kant, dans lequel est analysée la démarche expérimentale des physiciens. Texte étudié «Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur le plan incliné avec un degré d'inclinaison qu'il avait lui-même choisi, ou que Torricelli fit porter à l'air un poids qu'il savait d'avance égal à une colonne d'eau de lui connue, ou qu'à une époque postérieure, Stahl transforma des matériaux en chaux et celle-ci à son tour en métal en leur ôtant ou en leur restituant quelque chose, alors une lumière se leva pour tous les physiciens. [...]
[...] Ainsi, parlant de l'expérience de Galilée, destinée à mettre en évidence la loi de la chute des corps, il dit qu'il avait lui-même choisi le degré d'inclinaison du plan sur quel il avait fait rouler des billes ( 1.2 Parlant de l'expérience de Torricelli sur la pression atmosphérique, il souligne le fait que Torricelli connaissait par avance le poids d'air supporté par l'eau, sur lequel cet air était censé exercer sa pression ( 1.3 Évoquant enfin les expériences plus récentes de Stahl (l. portant sur des réactions chimiques d'oxydation, il met en exergue le caractère délibéré, calculé, de l'opération effectuée. Kant montre ainsi que de telles expériences ne sont pas faites au hasard, mais sont le fruit d'une réflexion qui en commande la réalisation. Par ces exemples, le philosophe veut que le lecteur parvienne de lui-même à la conclusion de la nécessité d'une pensée raisonnée dans les sciences expérimentales. [...]
[...] Pour pertinente qu'elle soit, l'analyse de Kant n'en est pas moins partielle. Kant ne dit pas par quel miracle la raison en vient à émettre l'idée qui lui permet d'interroger la nature pour s'instruire à son contact. Il faudra attendre les travaux de Gaston Bachelard pour élucider le mystère ! Si la raison joue un rôle moteur dans la découverte des lois de la nature, c'est parce qu'elle est, à un certain moment de l'histoire des sciences, écartelée entre les idées qui ont cours et le spectacle de la nature qui semble ne pas leur correspondre. [...]
[...] Voilà qui montrerait, si besoin était, qu'il n'y a pas de faits scientifiques si l'observation est réalisée au hasard, sans raisonnement préalable. Soucieux de bien montrer l'inaptitude de l'expérience à nous instruire, Kant ne manque pas d'insister sur l'aspect " nécessaire " de la " loi " découverte (l. sachant bien qu'il est impossible d'y accéder par la simple observation. Qui dit loi, objet de la recherche scientifique, dit en effet rapport constant entre les phénomènes, qui ne peuvent pas ne pas se produire ainsi que l'on constate qu'ils le font. [...]
[...] Selon lui, l'expérimentation découle de la raison, elle est anticipée, préméditée. Comme les exemples développés le montraient, il s'agit désormais en physique, de provoquer une réaction sur des éléments réunis dans des conditions définies par l'expérimentateur, de manière délibérée, réaction qui pourra, dès lors, être compréhensible parce qu'elle est attendue, prévue par le raisonnement qui a conduit le physicien à monter son expérience. Ce raisonnement n'est autre que celui qui résulte, déductivement, de la formulation d'une hypothèse, que Claude Bernard définira plus tard comme étant une interprétation plus ou moins probable mais anticipée des phénomènes observés, définition que l'on peut rapprocher des expressions utilisées par Kant lorsqu'il dit que la raison ne perçoit que ce qu'elle " produit d'après son propre plan " (l. [...]
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