"Décider qu'un acte est juste" définit toute la fonction des juges, professionnels de la justice. S'il existe des professionnels de la justice, c'est parce que la société s'organise selon des lois qui ne sont pas connues de tous (même si nul n'est censé ignorer la loi) et que les hommes du droit (qui, eux, les connaissent) sont chargés de faire respecter. Décider qu'un acte est juste revient à se demander si la loi a été appliquée, bref à juger de la légalité de nos actions. La justice englobe tout ce qui est conforme aux lois. Une première remarque s'impose : juger de la conformité aux lois est loin d'être aussi simple que de juger si un sportif a respecté les règles du jeu. Il peut y avoir des lois qui dans certaines situations se contredisent (...)
[...] Justice et équité Comment décider qu'un acte est juste ? nous demande-t-on. La décision est le terme d'un processus où l'on a examiné ce qu'il était possible de faire en rapport avec les intentions de la volonté. L'objet de la justice ne consiste donc pas à juger seulement des moyens, lesquels n'imposent aucune fin particulière (erreur de la première position), ni à juger des seules intentions (erreur de la seconde position), mais à juger de l'adaptation des secondes aux premiers. [...]
[...] Comment en effet justifier les controverses dans les tribunaux sur l'innocence ou la culpabilité des inculpés ? Comment justifier que l'on parle encore de décision judiciaire ? Enfin, rabattre la notion de justice sur celle de justesse, l'ordre politique et social sur l'ordre naturel, pourrait bien reposer sur l'idée contradictoire que l'homme aurait un naturel qui lui prescrirait des lois du comportement (comme les autres éléments de la nature), alors même qu'il est le seul élément de la nature capable précisément d'injustice, c'est-à-dire capable d'enfreindre ces fameuses lois du naturel. [...]
[...] Octroie-t-il de porter atteinte aux biens des autres quand soi-même, on est dépourvu de biens ? Mais à l'inverse, le respect de la propriété d'autrui n'implique-t-il pas, dans de nombreuses situations, le respect de son enrichissement personnel au détriment d'une redistribution des richesses ? Bref, l'égalité des personnes pourrait bien justifier l'atteinte portée à la propriété des plus riches, tandis que le respect des biens d'autrui et des répartitions inégales entre les personnes semble aller contre l'égalité réelle entre les personnes. [...]
[...] Le droit du travail, par exemple, n'a pas encore réglementé le télétravail ou les nouveaux problèmes qui se posent avec l'expansion du travail à domicile (inquantifiable, improuvable . Autrement dit, dans ces cas, pour décider qu'un acte est juste, il ne suffit pas de contrôler la conformité à des lois qui n'existent pas encore ou qui se contredisent. Si la légalité est insuffisante pour juger, il faut faire appel à d'autres critères. Ceux précisément qui permettent d'établir les lois les plus justes possibles. En effet, pour qu'une loi soit dite juste, il faut penser une origine de la justice extérieure à ces lois. [...]
[...] Il n'y a que des actes plus ou moins injustes, par rapport aux lois, mais surtout par rapport aux autres. Cette imperfection est stigmatisée par l'ambiguïté du mot juger qui est du ressort de l'activité théorique (juger, c'est penser) et de la raison pratique (juger, c'est également trancher, s'arrêter de penser pour enfin décider). Cette ambiguïté ne fait que témoigner, au fond, d'un écart irréductible entre la pensée et l'action. [...]
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