Dès le « miracle grec » et sa célèbre rupture entre logos et mythos, les penseurs cherchent à devenir kalos-agathos par la philosophie ou amour de la sophia, à la fois savoir, c'est-à-dire vérité scientifiquement juste, et sagesse, c'est-à-dire justice moralement juste. La naissance de la philosophie est donc intimement liée à la justification de la justesse scientifique et de la justice morale; car le philosophe adopte un véritable genre de vie en cherchant à être doublement juste, du point de vue théorique par des discours justes et d'un point de vue pratique par des actes justes.
D'emblée, le sujet cherche à identifier deux termes –le juste et le justifiable- proches d'un point de vue orthographique mais néanmoins éloignés d'un point de vue sémantique. Le rapprochement de ces deux mots tend même à établir un rapport d'égalité: le juste est le justifiable. Toutefois, ces deux notions diffèrent puisque le juste appelle un certain consensus dans le cadre de la communauté scientifique ou bien de l'Etat de droit alors que le justifiable se rapporte plutôt à la pluralité des subjectivités individuelles. C'est juste en soi alors que c'est justifiable pour moi! Le lien logique remarque une contradiction, entretient une tension, manifeste l'impossibilité immédiate de l'égalité qui cherche à s'instaurer: en utilisant le raisonnement mathématique, on peut dire que le juste est inclus dans le justifiable mais que l'implication n'est pas réciproque. Le juste est à la fois le vrai et le bien commun tandis que le justifiable est une légitimité personnelle qui est parfois juste et renvoie à la fois à la temporalité – ce qui est injustifiable aujourd'hui sera justifié demain si c'est juste -, à la vérité – les raisons sont parfois justes – et à la moralité – ce qui est justifiable pour moi est parfois juste pour tous-. Il semble donc que le juste est toujours justifiable alors que le justifiable n'est pas forcément juste; mais alors, par contraposée, l'erreur ou l'injustice sont-elles toujours injustifiables? Le justifiable peut-il et même doit-il être juste? En quoi l'est-il parfois et comment peut-il le devenir systématiquement?
Les enjeux de ce cheminement sont multiples dans la mesure où les notions se rapportent à de nombreux domaines: la responsabilité morale, la justice, le bonheur, la liberté, la vérité, la sagesse.
[...] Est-elle juste? L'hypothèse peut-être pas mais la science oui car plus encore que la connaissance, qui se caractérise par l'adéquation entre l'entendement et l'objet ou plutôt l'emprise des catégories kantiennes de la raison sur les phénomènes sensibles, la recherche de la connaissance est juste. Donc, toute science et toute philosophie est à la fois juste et justifiée. La critique est juste et donc l'éthique, qui passe au crible et juge de la valeur les retombées scientifiques, est parfaitement justifiée. Il faut bien voir que le justifiable n'est pas forcément prouvé et que le juste ne peut pas ne pas être et est donc nécessairement vrai et bien. [...]
[...] De plus, le juste, puisqu'il est vrai, finit toujours par se justifier. Par exemple, la recherche pour la recherche des mathématiciens Riemann et Lobatchevski qui élaborent deux nouvelles géométries post- euclidiennes se justifie par son application dans la théorie de la relativité, restreinte ou appliquée, d'Einstein. Ces connaissances étaient justes; elles sont désormais justifiées ne serait-ce que pour leur utilité future. Il est évident que la démarche réflexive est parfaitement juste: la recherche aristotélicienne des causes premières est justifiée au moins par sa finalité, à savoir l'élaboration des lois pour comprendre le déterminisme et ainsi élargir le champ de conscience. [...]
[...] Le juste est-ce le justifiable ? Dès le miracle grec et sa célèbre rupture entre logos et mythos, les penseurs cherchent à devenir kalos-agathos par la philosophie ou amour de la sophia, à la fois savoir, c'est-à-dire vérité scientifiquement juste, et sagesse, c'est-à-dire justice moralement juste. La naissance de la philosophie est donc intimement liée à la justification de la justesse scientifique et de la justice morale ; car le philosophe adopte un véritable genre de vie en cherchant à être doublement juste, du point de vue théorique par des discours justes et d'un point de vue pratique par des actes justes. [...]
[...] Les enjeux de ce cheminement sont multiples dans la mesure où les notions se rapportent à de nombreux domaines: la responsabilité morale, la justice, le bonheur, la liberté, la vérité, la sagesse. Notre démarche s'articulera autour de trois axes de réflexion: d'abord, le juste est justifiable; puis, le justifiable n'est pas automatiquement le juste; enfin, le justifiable doit être juste pour que le justifiable se confonde au juste. Le juste est fatalement justifié même quand il semble injustifié. Le juste est un bien qui accorde à l'homme sa liberté, sa conscience morale et son intelligence. [...]
[...] Or, il n'y a pas de demi-mesure pour le juste: le juste est universel donc il ne saurait se contenter de partialité. Le crime passionnel peut être justifié par la folie, la foi peut être justifiée par la croyance, l'erreur peut être justifiée par l'incompréhension, la mauvaise action peut être justifiée par un mauvais jugement. On voit même que les définitions légitimes donc justifiables des interlocuteurs de Socrate donnent une définition de la justice au début de La République de Platon: rendre à chacun son dû ou faire le bien à ses amis et du mal à ses amis peuvent être justifiables, néanmoins, elles sont insuffisantes pour pouvoir être nécessairement justes. [...]
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