Les étudiants sont encore en grève. Tradition quasi-aussi annuelle en France que Noël, la grève étudiante est presque un rite de passage culturel. Mais si, exceptionnellement, la grève aboutit comme ce fut le cas pour le CPE en 2006, non seulement les grèves sont souvent vaines mais en plus sont pour la plupart dénuées de tout sentiment révolutionnaire, comme celui qui a pu agiter les foules estudiantines en mai 68. La jeunesse est de son côté un concept relativement nouveau dans son acceptation contemporaine. Il ne s'agit plus de l'âge entre chien et loup, entre l'état d'enfant et l'état d'adulte pas encore confirmé. La jeunesse est devenue une « institution » romancée, abondamment traitée dans les films et les livres modernes. La jeunesse est devenue l'âge de la révolte et des premiers émois, coïncidant avec l'allongement de la scolarité et la procrastination des responsabilités. Elle est aussi souvent associée à l'idée de la révolution, au grand chamboulement des institutions actuelles, nous verrons plus tard pourquoi et en quoi. Ce qui nous pousse à nous demander si jeunesse et révolution sont forcément liées : Est-ce à la jeunesse de porter la révolution ? Et quelle révolution ? Pourquoi ?
[...] Ainsi dans l'imaginaire collectif, la jeunesse est devenue le symbole de la révolution. Mais cela ne serait pas sans la présence en arrière plan d'une idéologie du progrès. Si le futur n'est qu'une perpétuelle avancée en avant, une amélioration, alors chaque génération se doit d'apporter sa pierre. Et même mieux, de transformer ce monde ancien pour le rendre meilleur. C'est la fameuse table rase communiste : Il faut effacer les mauvaises institutions du passé et reconstruire un monde qui sera forcément plus juste et meilleur puisqu'il sera nouveau. [...]
[...] La jeunesse comme nous l'entendons maintenant est révoltée, mais n'a aucun projet de révolution, ainsi, elle n'a pas besoin de renoncer à quelque chose qu'elle n'a jamais eu l'intention réelle de créer. Si révolution il y a eu, apportée par la jeunesse actuelle, elle a été de l'ordre des mœurs, des mentalités, (ce qu'a bien réussi mai mais jamais la révolution politique n'a été un but ni une fin de la jeunesse. Et même ces évolutions de mentalités ont été portées progressivement et pacifiquement, pas avec des barricades, pour la plupart, et ne sont donc pas à proprement parler des révolutions Bibliographie Aristote, Rhétorique, II a Sabatier Benoît, Nous sommes jeunes, nous sommes fiers, la culture jeune d'Elvis à MySpace, Hachette Littérature Marcuse H., Eros et civilisation : contribution à Freud, Editions de Minuit François Furet, Le Passé d'une Illusion, Robert Laffont 1995 Lindenberg Daniel, Rappel à l'Ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, Le Seuil 2002 Raynaud Philippe, L'Extrême Gauche plurielle, Entre Démocratie Radicale et Révolution, Paris, Autrement 2006 Bensaïd Daniel, Le Pari Mélancolique, Fayard 1997. [...]
[...] Il n'y a plus aucune sous-culture optimiste. Ensuite, il est intéressant de remarquer que finalement, être jeune n'a plus rien de révolutionnaire. Sabatier dans son ouvrage en fait d'ailleurs la remarque : si les Rolling Stones déclenchaient les levées de boucliers dans les années 70, et apparaissaient alors aux anciennes générations comme le signe certain de la décadence totale, force est de constater qu'ils sont devenus aujourd'hui cultes - comme beaucoup d'autres Les jeunes qui twistaient d'un air déchaîné devant les scopitones sous l'œil désapprobateur de leurs parents sont ceux qui aujourd'hui regardent d'un œil amusé leurs propres enfants. [...]
[...] La France aime l'idée romantique au sens littéraire du terme de révolution. Pourtant, on ne peut nier que la Révolution Française, si elle a posé les bases de ce qu'allait devenir la république 100 ans plus tard, n'a d'abord débouché que sur la Terreur, suivie d'une dictature à deux reprises : le directoire puis l'Empire. De même, la Révolution de 1848 n'arrive qu'à faire élire un deuxième empereur (1851) après 30 ans de monarchie. Mais l'on opposera, et à raison, que malgré les turpitudes de la vie politique française pendant ce siècle suivant 1789, il n'en est pas moins que la IIIème République a finalement émergé, et avec elle un parlementarisme démocratique bienvenu. [...]
[...] Ce sont les jeunesses communistes chinoises qui traîneront dans la rue les acteurs de l'Opéra impérial, celles qui imposeront à la population jusqu'au changement de leurs habitudes vestimentaires. Cinquante ans plus tard, la Chine est devenue la première république communiste de marché (comprendre : dictature capitaliste). Si ce revirement amènera à une économie florissante et à la démocratie n'est pas l'objet de notre réflexion : la seule conclusion que nous ferons est que ce n'était sûrement pas pour en arriver là que les jeunes Chinois avaient fait la révolution en 1966. [...]
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