L'inflation actuelle de l'emploi du terme «citoyenneté » est sans précédent. Il est d'usage courant dans les discours politiques à divers propos (laïcité, violence scolaires et urbaines, éducation, participation politique) ainsi que dans le champ médiatique et éducatif. La thématique fréquemment développée d'une «crise de la citoyenneté », en particulier chez la jeunesse, regroupe cet ensemble de phénomènes, ayant peu de liens apparents entre eux. Il convient alors de se demander ce que signifie le concept de citoyenneté, sans quoi l'idée de crise de la citoyenneté ne produit pas de sens. Il est intéressant de remarquer, à ce sujet, que la citoyenneté ne possède pas de définition claire : le terme, totalement absent du droit positif français, n'est présent que dans la déclaration des « droits de l'homme et du citoyen » qui n'en fournit aucune définition, mais en esquisse toutefois une conception : le citoyen est le détenteur de droits politiques, il est celui qui peut élire et participer à des fonctions politiques. Force est cependant de constater que cette première définition est insuffisante, l'emploi actuel de ce terme recouvrant bien plus qu'un statut ouvrant des droit. Il sera donc nécessaire de la préciser et d'en dégager d'autres caractéristiques au cours du développement.
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[...] L'engagement citoyen de la jeunesse est ponctuel et s'effectue sur des thèmes précis. Alors que les générations précédentes s'identifiaient globalement à un parti, dont elle adoptait globalement le projet de société et la ligne politique, la jeunesse actuelle se montre en général défiante face à ce type d'engagement. Ce qui n'exclu pas qu'elle se mobilise ponctuellement sur un thème précis. C'est le cas du 21 avril, lorsque l'éventualité d'une prise de pouvoir de l'extrême droite, a suscité une réaction massive de la jeunesse, et un vote massif ( du mois de ceux étant assez âgés pour avoir le statut de citoyen) massif en faveur de Jacques Chirac (ou plutôt justement en défaveur de Jean-Marie Le Pen). [...]
[...] Puisque la citoyenneté est évolutive, il s'agit de comprendre maintenant en quoi celle-ci est actuellement en bouleversement dans la jeunesse. A cet effet, il s'agit de comprendre en quoi et pourquoi la jeune génération diffère sur ce point des jeunesses précédentes et de ses contemporains plus âgés, et il convient donc de trouver quels éléments de leur socialisation politique ont rendu cette évolution possible. Aborder le problème sous l'angle d'une évolution du milieu social de la jeunesse serait une erreur, la jeunesse ne constituant pas un groupe social (nous avons précisé en introduction qu'il y avait au sein de la jeunesse une diversité de conditions sociales aussi grande que dans l'ensemble de la société)-ce pourquoi il serait d'ailleurs plus pertinent d'employer le mot jeunesse au pluriel. [...]
[...] Son emploi au singulier suggère que les jeunes forment un groupe social homogène, un ensemble d'individu ayant des croyances et des comportement similaires : cette idée à été dénoncée avec justesse par Pierre Bourdieu. Il existe en réalité autant de jeunesses que de groupes dans la société. Il devient alors problématique d'envisager les rapports jeunesse-Citoyenneté, si la jeunesse est si peu homogène. La spécificité de son rapport à la citoyenneté ne peut alors être compris que sous l'angle d'éléments que tous les jeunes ont en commun, et qui les séparent des autres classes d'âges. [...]
[...] La question de l'autonomie de la jeunesse, et donc de la légitimité de son accès à la citoyenneté apparaît donc délicate. Il semble impossible de donner une réponse théorique (en considérant de manière abstraite des caractéristiques de la jeunesse) satisfaisante à la question de l'autonomie de la jeunesse. De cette impossibilité découlent deux conséquences. Premièrement on constate une variation dans l'espace et dans le temps de l'âge d'accès à la citoyenneté: elle est aujourd'hui de 21 ans aux Etats Unis contre 18 ans en France, et le verts et le parti communiste réclament son abaissement à l'âge de 16 ans ; elle avait été en outre abaissée de 21 à 18 ans par Valery Giscard d'Estaing en 1975. [...]
[...] Les modifications récentes de la société ont entraîné une modification profonde de la pratique citoyenne chez la jeunesse et la généralisation de nouvelles formes de pratiques citoyennes, dont la compréhension est fondamentale si l'on veut pouvoir comprendre et prévoir le devenir de la citoyenneté en général. Dans ce contexte les politiques de la jeunesse et les mesures visant à pallier la crise de la citoyenneté empreinte de l'idée (héritée de la révolution) d'une formation du citoyen par l'instruction, sont condamnées ici à un échec partiel : Elles peuvent permettre de renforcer l'école dans son rôle d'agent de socialisation politique et favoriser l'émergence d'une conscience politique chez les jeunes, mais ne peuvent résoudre le problème de la défiance envers les voies actuelles de la représentation politique, puisque cette défiance est structurelle, et tient aux modifications profondes que les sociétés occidentales ont connu ces vingt dernières années. [...]
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