Jean-Jacques Rousseau, musique de la parole, humanité, expression de ses passions, désir d'aimer, évolution de la parole, langage, nature mutique, passion, besoins, vocalité, parole politique
Rousseau inscrit la parole dans une histoire. Cela signifie d'abord qu'elle a une origine : placée dans d'autres circonstances, l'humanité aurait pu prendre une autre forme, et les hommes ne jamais parler. Cela signifie que la parole a un progrès : elle n'a pas toujours eu la même teneur ni la même fonction, et il nous faut étudier son évolution. La thèse forte et paradoxale de notre auteur est la suivante : la parole est née de la nécessité de l'homme d'exprimer ses passions, en particulier son désir d'aimer et d'être aimé. Rousseau voit dans l'évolution de la parole et de son usage une lente dégradation par laquelle l'expression vivante des passions laisse de plus en plus de place à celle des besoins.
[...] Ce sera l'occasion de revenir sur la critique d'une parole travestie notamment dans une société où les échanges sont déterminés par les règles de la politesse. [...]
[...] Dans cette situation, les hommes ont des rapports occasionnels, mais ignorent toute forme de langage. Si les hommes avaient mené indéfiniment cette existence animale et solitaire, ils n'auraient donc jamais parlé. Heureusement, l'homme dispose de cette plasticité, de cette faculté d'apprentissage que Rousseau appelle perfectibilité. Il ne s'agit pas d'une adaptation purement biologique, puisqu'elle suppose une initiative, grâce à laquelle il cherche puis trouve les moyens de surmonter les difficultés que lui oppose la nature. C'est ainsi que se sont formées les premières sociétés, c'est ainsi que l'homme a découvert son humanité. [...]
[...] Une géographie des langues Pour Rousseau, l'humanité a pris naissance dans les pays chauds du midi. Elle ne s'est étendue qu'ensuite vers les contrées moins accueillantes du nord. C'est pourquoi la langue des passions est née là où le climat est propice à l'oisiveté et à l'épanchement des cœurs. Au contraire, dans les régions plus froides, il fallut que se forment des langues plus propres à exprimer les besoins. Dans la langue des passions, les voyelles sont dominantes si bien qu'elles prennent la forme d'un flux vocal et mélodieux peu articulé, mais riche en accents et en rythmes. [...]
[...] L'acte de naissance de la parole Ce sont des passions et du besoin qu'est née la parole. Tout d'abord parce qu'à l'état de nature, le besoin éloigne les hommes plutôt qu'il ne les rapproche. Ensuite, parce que le besoin fait les taiseux : il n'est pas nécessaire de se parler pour œuvrer, et si la communication est utile, quelques gestes ou expressions minimales suffisent le plus souvent. Parler et chanter Avec l'amour, on est déjà loin du simple assouvissement d'un besoin animal, qui pourrait être satisfait par n'importe qui. [...]
[...] Anciens et modernes Les langues chantantes et énergétiques du midi étaient celles de la politique vivante. Nous les modernes, avons retenu du septentrion la rudesse de la vie : notre langue a perdu cette musicalité capable de donner vie au discours politique et d'emporter l'adhésion. Nous ne parlons et n'écrivons plus que pour défendre nos intérêts privés, et nous avons laissé notre liberté en chemin, en laissant la politique à des professionnels. Pour Rousseau, la démocratie ne peut être que représentative : aussitôt que le peuple se tait et laisse à d'autres le privilège de la parole, il perd sa liberté et s'en est fini de sa politique. [...]
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