Jusqu'à ce que Françoise Dolto (croyante) ne tentât de concilier religion et psychanalyse (Voir L'Evangile au risque de la psychanalyse et La foi au risque de la psychanalyse), cette dernière a toujours senti le soufre aux yeux des tenants de la croyance en Dieu. Cela tient au fait que Freud était notoirement athée d'une part, et, d'autre part, à ce que son interprétation de la foi visait explicitement à en faire une sorte de "névrose obsessionnelle de l'humanité".
Dans ces conditions, il est compréhensible sinon excusable de voir un auteur chrétien comme Karl Jaspers s'en prendre à la psychanalyse. Celui-ci, dans La situation spirituelle de notre époque, parue en 1931, diagnostique les causes d'un affaiblissement culturel généralisé dont, à ses yeux, les succès de la psychanalyse et du marxisme seraient en partie responsables (...)
[...] Bref, au lieu d'apprendre aux hommes à lutter contre leur nature et à accepter les tensions que celle-ci implique, la psychanalyse entretiendrait le mythe démagogique d'une possible libération de nos inconscients, ce qui serait une manière dangereuse de promettre aux hommes de changer de vie et de devenir tout autres. Cette critique de la psychanalyse méritera donc d'être expliquée en détail selon l'argumentation que nous avons résumée plus haut, tout en nous posant au fur et à mesure une série de questions à propos de la pertinence de ces chefs d'accusation: pour notre part, tout en soulignant la justesse des avertissements politiques de Jaspers et des éventuelles dérives d'une psychanalyse mal digérée, nous entendons souligner quelques contresens et griefs particulièrement injustes vis-à-vis d'une science qui a toujours essayé de soigner par la parole des êtres qui souffraient de l'incompréhension de la société. [...]
[...] Celui- ci, dans La situation spirituelle de notre époque, parue en 1931, diagnostique les causes d'un affaiblissement culturel généralisé dont, à ses yeux, les succès de la psychanalyse et du marxisme seraient en partie responsables. Jaspers, particulièrement lucide sur les dangers des totalitarismes et la montée des dangers de barbarie qu'ils impliquent, souligne dans cette œuvre la vulnérabilité de l'Occident qui ne possède plus de spiritualité assez forte pour se prémunir contre les extrémismes. Cela revient à considérer le freudisme comme un mouvement qui a renforcé le matérialisme et l'incrédulité ambiante, au risque d'un désenchantement qui sert de levain à la progression des-idéologies fanatiques et guerrières. [...]
[...] La psychanalyse n'est jamais parvenue à justifier ses doctrines, pas même [ . ] de façon momentanée; il lui est donc impossible de proposer une synthèse qui permettrait à la recherche, grâce à une claire formulation des problèmes, de progresser et d'aboutir à certains résultats décisifs. Sous prétexte d'empirisme, elle se contente au fond de répéter d'année en année les mêmes choses en utilisant un matériel immense. Elle a complètement dénaturé la réflexion sincère de 1 'homme sur lui -même [ . [...]
[...] Jaspers note simplement que pour la psychanalyse, ces phénomènes permettent une intrusion, une exploration pénétrer dans arrière-fond») de l'inconscient qui est ici synthétisé comme les coulisses de la conscience humaine, ce qui n'est pas faire insulte au fond de la pensée de Freud. On notera au passage que, pour Jaspers, la psychanalyse se confond totalement avec son fondateur Gamais nommé expressément dans ces lignes), alors que les psychanalystes étaient nombreux à cette époque à œuvrer dans un sens différent de celui du maître notamment sur des sujets sensibles comme l'importance de la sexualité dans la structuration de l'appareil psychique. [...]
[...] Enfin, l'auteur de Malaise dans la civilisation, Freud, nous semble bien placé pour connaître les crises du XXe siècle, crises qui devaient d'ailleurs lui être funestes après l'Anschluss. Dès lors, il ne s'agit pas de répondre à Jaspers par un panégyrique à la gloire de Freud, mais de montrer à quel point le thème de l'inconscient approfondi par ce dernier a engendré des malentendus voire des malveillances qui sont largement symptomatiques de l'originalité dérangeante d'une pensée qui eut, quoi qu'on dise, le mérite de faire entrer la philosophie contemporaine dans une nouvelle ère, celle du soupçon et de la démystification des illusions de la pensée bourgeoise . [...]
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