Jacques le fataliste et son maître, Diderot, illusion romanesque, effets de réels, mensonge littéraire, narrateur
En écrivant Jacques le fataliste et son maître, Diderot prétend produire un ouvrage didactique sur l'illusion romanesque. Il s'agit d'éduquer le lecteur en dissipant celle-ci et en exposant ses mécanismes. L'auteur dit ainsi de son ouvrage : « Il est bien évident que je ne fais point un roman, puisque je néglige ce qu'un romancier ne manquerait pas d'employer ». Par : « roman », Diderot semble définir une intrigue fictive à laquelle le lecteur peut croire, grâce des artifices narratifs, et imaginer, le temps de la lecture, que celle-ci est réelle or, cette suspension de l'incrédulité s'avère dangereuse puisqu'en mêlant le vrai et le faux, en générant des : « effets de réels » (Roland Barthes, Communications, « L'effet de réel », numéro 11, p.84-89, 1968) c'est-à-dire, en empruntant à la réalité des éléments descriptifs dont l'unique fonction est de parfaire le trompe l'oeil romanesque, le romancier dupe le lecteur qui, à la manière d'un Don Quichotte, est amené à confondre l'espace imaginaire et l'espace concret.
[...] Dissertation Jacques le fataliste et son maître (édition folio classique d'Yvon Belaval) En écrivant Jacques le fataliste et son maître, Diderot prétend produire un ouvrage didactique sur l'illusion romanesque. Il s'agit d'éduquer le lecteur en dissipant celle ci et en exposant ses mécanismes. L'auteur dit ainsi de son ouvrage : Il est bien évident que je ne fais point un roman, puisque je néglige ce qu'un romancier ne manquerait pas d'employer Par : roman Diderot semble définir une intrigue fictive à laquelle le lecteur peut croire, grâce des artifices narratifs, et imaginer, le temps de la lecture, que celle ci est réelle or, cette suspension de l'incrédulité s'avère dangereuse puisqu'en mêlant le vrai et le faux, en générant des : effets de réels (Roland Barthes, Communications, L'effet de réel numéro 11, p.84-89, 1968) c'est à dire, en empruntant à la réalité des éléments descriptifs dont l'unique fonction est de parfaire le trompel'œil romanesque, le romancier dupe le lecteur qui, à la manière d'un Don Quichotte, est amené à confondre l'espace imaginaire et l'espace concret. [...]
[...] La conscience de Jacques d'un auteur mystérieux et tout puissant est alors un autre procédé de déconstruction du mirage romanesque de la part de ce dernier. Le roman s'ouvre et se ferme sur une évocation du : grand livre : page 39 : Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut et page 356, le narrateur suppose que Jacques : se disait le soir à lui-même : S'il est écrit là-haut que tu seras cocu, Jacques, tu auras beau faire, tu le seras Les deux phrases ont pour axe commun le verbe : dire Elles sont aussi disposées aux deux extrémités du roman et lui confèrent un agencement cyclique. [...]
[...] Diderot accorde, dans Jacques le fataliste et son maître, une grande importance aux codes de la narration : toutes les trames du roman sont articulées autour de la multiplicité des discours, des locuteurs et du rapport qu'ils entretiennent avec les interlocuteurs. Le narrateur principal occupe alors une place primordiale. Non seulement, il transmet le récit mais, il le commente, l'interrompt, le reprend et apostrophe périodiquement le lecteur. Sa présence est souvent malvenue puisqu'elle éclipse les intrigues en cours mais, sa véritable fonction demeure dans le fait qu'il dévoile au lecteur l'architecture du roman et lui enseigne comment éviter de se perdre dans le mirage fictionnel. Diderot se réapproprie donc les règles du genre pour les dévier de leurs objectifs originels. [...]
[...] Le récit acquière alors une invraisemblance à laquelle le lecteur ne peut se soustraire. Il n'a ainsi d'autre choix que de se souvenir qu'il est dans le cadre d'un roman, d'une invention, dont la mauvaise exécution volontaire pique sa patience et aiguise, en la stimulant violemment, sa faculté d'analyse. Diderot s'applique donc à détruire la suspension de l'incrédulité propre au roman en irritant son lecteur mais, ce n'est le seul stratagème de dégradation fictive présent dans la narration. L'auteur pratique aussi une hybridation textuelle, notamment visible dans les dialogues : ceux ci sont parfois au discours indirect mais, il arrive qu'ils soient signalés par des guillemets et des tirets ponctuation classique du genre romanesque ; et il n'est pas rare que les intervenants du dialogue soient, comme au théâtre, signalés par leurs noms. [...]
[...] Lecteur, à quoi tient-il que je n'élève pas une violente querelle entre ces trois personnages ? Que l'hôtesse ne soit prise par les épaules ( ) ni la suite des amours de Jacques ? Ces questions rhétoriques, en multipliant les hypothèses, témoignent d'une continuation du récit entièrement dépendante du narrateur. Celui ci confirme cette dépendance page 301 avec la phrase : Il est donc mort ou vivant, comme il me plaira où le groupe nominale : comme il me plaira imprime une tonalité capricieuse à la phrase et rapproche le roman de la fantaisie, de la divagation vers laquelle les digressions répétées du narrateur tendent encore plus. [...]
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