Jacques Derrida (1930-2004)

Résumé du document

Pour commencer ce cours, consacré à un penseur qui est un des plus intéressants de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, je souhaite me référer à un livre qui se donne pour les restes d'une correspondance amoureuse. Dans ce texte, intitulé La carte postale, le signataire de la correspondance commente, entre autres choses, une carte postale trouvée à la bibliothèque de l'Université d'Oxford, reproduisant une illustration du XIIIe siècle de Matthew Paris (...)

Extraits

[...] 13-14) Commençons à nous interroger sur cette comparaison avec le négatif d'une photographie : c'était resté comme le négatif d'une photographie à développer depuis vingt-cinq siècles Il y aurait depuis Socrate et Platon et avec eux, dans la philosophie, un ou des négatifs qui demandent à être développés ; donc des éléments déjà là, mais pas encore visibles ou lisibles. C'est ce que Jacques Derrida va nommer déconstruction : mot qu'il reprend à Heidegger, mais également à Freud et à Husserl (et que l'on trouve déjà chez Luther). [...]

[...] C'est le récit de l'histoire du peuple hébreu, les clés chronologiques Sens allégorique : enseigne ce que l'on doit croire Le texte signifie autre chose que ce qu'il dit littéralement : le texte met notamment en place des éléments de concordance entre Ancien Testament (par exemple une promesse) et Nouveau Testament (par exemple l'accomplissement de cette promesse) ; le texte acquiert une dimension anachronique. Sens moral : enseigne ce que l'on doit faire Par exemple Jésus entra dans une maison signifie que l'âme doit donner l'hospitalité au Christ Sens anagogique : enseigne les fins dernières Il s'agit, entre autres, du mouvement de l'âme vers la transcendance, le monde d'ici-bas est envisagé comme préparation du monde divin. Mais ces quatre sens ne divergent pas, ils se rassemblent dans la cohérence du message divin. [...]

[...] Selon Derrida, la pensée occidentale, dès ses origines, a refoulé l'écriture. Refoulement qui s'est poursuivi tout de long de son histoire et s'est accompagné d'une chaîne d'oppositions hiérarchiques solidaires : réalité/signe, signifié/signifiant, chose/image, dedans/dehors, intelligible/sensible, nature/culture et, surtout, logos (parole et pensée)/écriture (trace de cette parole et de cette pensée). Le concept de refoulement est repris à la psychanalyse : il est à distinguer de l'oubli (cf. Heidegger) : ce qui est refoulé continue à agir au niveau de l'inconscient et détermine des choix, des attitudes Jacques Derrida est un des philosophes qui tentent de prendre au sérieux l'hypothèse de la psychanalyse et de l'intégrer dans sa pensée. [...]

[...] du Seuil, 1972), Derrida entame une longue lecture du Phèdre de Platon. Dans le Phèdre, l'écriture est présentée comme un pharmakon. Ce mot - qu'on ne pourra traduire qu'en perdant son ambiguïté - signifie à la fois drogue, philtre, poison, remède, semence de vie ou de mort, etc.; ce mot, porteur d'ambivalences irréductibles, oscille sans cesse entre une signification et son contraire. Or Platon le retient pour penser, à partir du mythe de Theuth, l'essence de l'écriture, pour montrer qu'en apparence l'écriture est bienfaisante pour la mémoire, permettant, à l'intérieure de celle-ci, la connaissance et la vérité, mais qu'en réalité elle est mauvaise, ne servant qu'à la remémoration, ne produisant, extérieure à la mémoire, que des opinions et non la science et la vérité. [...]

[...] Il est raconté par Socrate dans le Phèdre. En Égypte, celui qui est le spécialistes des techniques, des arts, Theuth vient offrir au Roi sa dernière invention : l'écriture qui, dit-il est un pharmakon, pour la mémoire et la science des Égyptiens. Le mot est traduit par remède. Et le Roi, en jouant sur l'ambiguïté du mot, va tenir l'écriture pour une drogue, un poison, car elle n'est que bonne en apparence, mais elle est néfaste en réalité : elle va aider non la mémoire vive, mais la mémoire morte, la simple remémoration ; elle va également permettre d'accumuler les connaissances sans en avoir reçu l'enseignement. [...]