Il s'agit à la fois d'une dissertation sur le rapport du philosophe à la critique littéraire et cinématographique et sur la philosophie de l'art de G. Deleuze.
[...] Sujet : S'intéresser en philosophe à la littérature et au cinéma, est-ce jouer le rôle de critique littéraire ou de critique cinématographique ? L'intérêt pour les arts, s'il ne constitue pas un fil conducteur ininterrompu de l'histoire de la philosophie, se trouve néanmoins au centre de certaines des situations de renouvellement le plus radical de cette dernière. Encore de telles rencontres ne mettent-elles pas en scène le philosophe dans un rôle univoque vis-à-vis des œuvres. Ainsi Aristote, dans le corpus de textes ésotériques intitulé La Poétique, adopte-t-il sur la production artistique un point de vue aussi bien descriptif (lorsqu'il subsume l'art sous la catégorie de poïesis à l'instar de l'artisanat) que normatif, en énonçant en particulier les règles de la tragédie et l'épopée à partir d'une description de l'effet produit ou en prenant, contre le Platon de La République, le parti de la création en poésie. [...]
[...] Nous préférerons toutefois conclure en indiquant brièvement de quelle manière Deleuze, dans L'Image-mouvement, s'appuie sur le cinéma pour réélaborer un concept crucial en philosophie, celui de « l'image ». Pour Deleuze, la psychologie classique est entrée en crise sur fond d'une dualité devenue intenable entre les concepts « d'image » et de « mouvement ». A la conscience, en effet, cette psychologie associait des images, définis comme états qualitatifs inétendus, tandis qu'elle reconnaissait dans le monde des mouvements comme états quantitatifs étendus. [...]
[...] Dans Kafka, l'expérience produite par l'œuvre est présentée comme d'autant plus digne d'intérêt que les forces captées et rendues perceptibles sont celles qui fabriquent la condition des minorités sociopolitiques : dans Le Procès, le refaçonnement que la bureaucratie, comme concrétion des rapports de pouvoir à l'œuvre dans la société, fait subir aux sujets de droit est ainsi exhibée comme définitoire d'un « effet Kafka » (ou « effet K ») par Deleuze et Guattari. Enfin et comme nous l'avons pointé à partir de la métaphore machinique, la littérature mineure se distingue par la minoration de l'auteur au terme d'un « exercice de dépersonnalisation » (Mille Plateaux), au moyen duquel la subjectivité du producteur s'efface pour faire entendre les voix multiples du corps social capté et touché sur les deux faces de l'œuvre. [...]
[...] Dès lors, si l'on admet également pour le « mouvement » une définition bergsonienne comme une relation entre parties exprimant un changement lui-même compris comme l'affection d'un tout, il vient que l'image est mouvement et réciproquement, conceptualisation que le mot composé « imagemouvement » permet d'envelopper. Mais attendu que ce qui se meut, c'est-à-dire ce qui change, n'est autre que le monde, il suit de l'identification de l'image au mouvement celle de la « matière » à l'ensemble illimité des images-mouvements. Ainsi l'image-mouvement matérielle représente-t-elle un concept susceptible d'abolir la dualité aporétique de la chose et de sa représentation. [...]
[...] Deleuze, s'intéresse ainsi à l'art et tout particulièrement à la littérature comme critique au sens de théoricien. Or, conformément à ce que nous avions annoncé : à chaque théorie de la littérature sa critique des œuvres littéraires. En l'occurrence, la dépersonnalisation sous-jacente à la réussite de la littérature mineure exclut de facto toute explication de l'œuvre fondée sur la psychanalyse ou la sociologique, tandis que la mise en avant d'une minoration stylistique fait échapper la réception de l'œuvre à toute évaluation par comparaison avec un usage majeur de la langue érigé en canon. [...]
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