Le terme d'"intellectuel" est officiellement né en 1898, mais en réalité cela recouvre un concept déjà fort ancien : dans la Grèce Antique, la figure de Gorgias ou Protagoras, des figures d'autorité par essence, devant guider et conseiller les dirigeants. Les dirigeants, rois et empereurs ont toujours cherché conseil et soutien auprès d'une certaine classe de la population possédant certaines qualités intellectuelles les démarquant du reste de la population.
Ces intellectuels, on les retrouve notamment durant le Siècle des Lumières, ce sont eux qui ont inspiré les révolutionnaires, qui ont lancé les idées et incité à l'action, à la révolte. Dans ce contexte ces « intellectuels » ont un rôle de guide, d'agitateur, anticonformisme…Ils sont ceux dont l'intelligence supérieure guidera le reste de la population jusqu'à la Lumière et la vérité. Cette conception, née il y a fort longtemps et aiguisée durant l'Affaire Dreyfus recouvre pour autant un concept fort ambigu, que nous tenterons d'éclaircir dans ce travail.
[...] A la fin de la guerre, l'activité intellectuelle se replie, l'engagement voit son intensité baisser. La jeunesse semble échapper à l'engagement fortement idéologisé. C'est la guerre du Viêtnam qui va permettre un réinvestissement de certains intellectuels le tiers- mondisme va aussi remplacer pour certains le marxisme. La crise de mai 68 est une crise propre au monde intellectuel/universitaire : c'est une surrection de la jeunesse intellectuelle contre les personnes les plus officielles. Sartre dira à ce propos : les intellectuels de notre société ne peuvent avoir de sens qu'en étant en contradiction perpétuelle, en faisant le contraire de ce qu'ils veulent La crise subit aussi les effets du modèle californien sur cette jeunesse avec les valeurs hédonistes et spiritualistes. [...]
[...] Les intellectuels se chargent ainsi de lutter contre le défaitisme, de soutenir le moral des troupes. D'autres à la fin de la guerre tenteront d'apporter un éclairage sur cette guerre, sur les horreurs de la guerre, mais ils furent minoritaires. En réalité, on a des attitudes très diverses. La guerre va ébrécher les systèmes de référence des intellectuels d'avant 1914, la croyance dans le progrès va être profondément ébranlée, la notion de civilisation même est atteinte, tel que l'exprime de manière bouleversante Paul Valéry. [...]
[...] La notion d'intellectuel est donc liée à celle de risque, d'engagement et d'affrontement. L'affaire Dreyfus est un exemple achevé de controverses entre intellectuels, c'est une affaire avant tout d'opinion et chaque journal par exemple avait pris position et offrit une véritable mobilisation intellectuelle. L'affaire va ainsi faire naitre une génération de socialistes dreyfusards comme Herriot ou Blum, et on notera l'importance considérable des médias dans ce processus. Les intellectuels les plus entendus sont en effet des hommes de presse. Des intellectuels comme Zola vont affirmer la nécessité de s'affirmer médiatiquement. [...]
[...] A partir de 1945 la figure de l'intellectuel de gauche va dominer avec Sartre, Aragon ou Roy. Et à la fin du 20e siècle l'intervention croissante des intellectuels au niveau politique, social ou international est indéniable. Ainsi de Sartre dénonçant la guerre en Algérie ou Noam Chomsky la politique étrangère américaine. A la Libération le champ intellectuel est profondément remodelé. L'épuration et l'apparition de nouveaux clercs vont alors être déterminantes dans le champ intellectuel et les communistes vont alors exercer une profonde attraction. [...]
[...] Pour autant, et c'est là peut-être le plus ironique, la charge de la preuve est renversée car beaucoup accusent ces véritables intellectuels d'élitisme, de favoriser un discours hermétique et de manquer de vision ou de projet et de ne pas être aux prises avec la réalité. L'individualisme aurait eu raison des prises de risques intellectuelles au profit d'un positionnement spécialiste. Ces intellectuels se réfugient désormais dans la technicité et leurs discours ne sont plus réservés qu'à une minorité seule capable de les comprendre. [...]
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