La justice fait partie des trois grands pouvoirs. Elle occupe une place essentielle dans nos institutions. Elle nous apparaît comme essentielle en tant institution et en tant que principe. Elle garantit nos droits et notre sécurité et elle fonde en quelque sorte nos appréciations morales. Ainsi, la justice nous semble essentielle, et nous jugeons et classons les faits comme « justes » ou « injustes », on nous fait justice ou injustice. Or, cette dernière nous est insupportable : elle nous fait réagir dans un sursaut de protestation qui s'apparente au cri d'indignation dont parlait Jankélévitch à propos de la mémoire. L'injustice est ce qui nie les conventions morales qui fondent la justice, l'injustice est une faute, un manquement au contrat social.
De fait, nous pouvons nous demander pourquoi l'injustice mobilise les hommes plus que la justice, pour quelles raisons celle-ci nous interpelle-t-elle, créant un mouvement de réaction aussi impérieux qu'inévitable ?
Pourquoi l'injustice semble-t-elle menacer le contrat social ? Qu'est ce qui motive cette menace qu'elle mène l'individu à ressentir pour lui-même ? Pourquoi la justice est, et ne demande qu'à être maintenue et entretenue, quand l'injustice appelle à être combattue ?
[...] La justice a donc était mobilisée de façon ponctuelle pour répondre à un fait, elle n'a pas était employée de façon systématique pendant la guerre. Ainsi elle ne mobilise pas les hommes de façon permanente, nous ne nous battons pas systématiquement pour entretenir une justice immédiate et directement consécutive aux faits qui l'occupent, et ce pour des raisons évidentes. L'institution judiciaire, par son essence, ne peut agir au coup par coup : elle doit prendre un certain recul par rapport à ce dont elle a la charge. La justice doit enquêter, examiner les faits, écouter des témoignages : pour ne pas sanctionner à l'emporte-pièce. [...]
[...] A un niveau premier, les hommes se sentent menacés par l'injustice en tant qu'individus. Notre première réaction vis-à-vis d'elle est donc égoïste. L'injustice nous atteint d'abord sous la forme de peur. En effet, dès que nous apprenons une injustice nous nous sentons menacés dans notre chair, dans notre esprit : dans notre intégrité. Cette peur est ce qu'il y a de plus intolérable. La peur de l'injustice nous renvoie à cette époque où, comme le symbolise certaines scènes de La Guerre du Feu, certains tuaient pour s'approprier ce que d'autres avaient acquis au prix de lourds sacrifices. [...]
[...] Certes les prises de position sont d'autant plus importantes que l'injustice est criante (Zola s'engage personnellement dans J'accuse mais c'est cela même qui est problématique : c'est le point faible de nos institutions, celui qui nous mène à nous interroger sur le droit d'intervenir au Kosovo quand il n'y a pas lieu de se livrer à cette interrogation sous peine de faire le terreau du développement de l'injustice. Ainsi le problème de la mobilisation pour la justice est autant d'ordre moral que politique. Et la constatation du fait que l'injustice mobilise plus que la justice, même si elle n'est pas tout à fait exacte, pointe cependant le problème du rapport de l'Humain à la Cité, comme si nous ne pouvions donner notre pleine mesure qu'à travers les situations de crises, et ce malgré la conscience qui essaie parfois vainement de nous arracher à l'inertie. [...]
[...] Ainsi la pratique de l'Injustice devient rébellion envers le contrat social et même danger de déshumanisation. Alors l'homme se mobilise certes pour la Justice et contre l'Injustice, mais surtout pour préserver l'ordre. Ici apparaît cependant le problème de la relativité du Juste et de l'Injuste. L'injustice se manifeste bien souvent comme une aspérité dans le Contrat social, expression de cette rébellion contre celui-ci. Dès lors, les hommes se mobilisent au nom de la mémoire, c'est ce qui se passe par exemple lorsque nous sommes confrontés à des actes fascistes, nous nous révoltons dans ce que Jankélévitch décrit comme : un acte de foi, une protestation surnaturelle de l'homme contre la réalité, au nom d'une autre réalité qui a existé et dont il ne reste apparemment aucun vestige palpable sur cette terre dans la vie d'aujourd'hui. [...]
[...] En effet, l'Injustice quelle qu'elle soit ne nous laisse jamais insensibles. Elle nous atteint toujours dans notre essence : elle provoque un sentiment de révolte. Dans L'homme révolté, Albert Camus écrit : Je me révolte donc nous sommes ainsi l'injustice même si elle nous menace d'abord en tant qu'individu, provoque une réaction qui, systématiquement, met en jeu tout ce qui nous entoure, et plus spécifiquement les hommes. Comme nous l'avons vu, il est impossible de ne pas être concerné, de près ou de loin, par l'injustice, la réaction varie mais vient forcément : et c'est justement dans cette Révolte dont parle Camus que s'exprime la mobilisation des hommes. [...]
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