« La démesure, en mûrissant, produit le fruit de l'erreur et la moisson qui en lève n'est faite que de larmes » disait Eschyle, aurait-il pensé trop près de Plato n? Dans le nom « démesure », le préfixe « dé- » marque la cessation, la séparation. La démesure, c'est ce qui se disjoint de la mesure, ce qui s'en sépare. La démesure est définie comme un excès fait à la mesure ordinaire. La démesure serait un dépassement de la norme. Le terme de « démesure » est équivoque : La démesure peut être liée à une qualité telle que l'ambition, mais on peut parler de démesure à propos de visages ou de corps aux dimensions démesurées. Mais alors, la démesure est-elle simplement sentiment ? (...)
[...] L'injustice et la démesure s'insèrent dans une société particulière, un système de valeurs qui provoque le cycle de l'injustice et de la démesure. Une sorte de cyclothymie s'est instaurée entre démesure et injustice. Ce cycle est-il à l'image de l'homme, cloaque d'où se déversent tous les excès, et les institutions qu'il a créées? Il est intéressant de comparer ces points de vue à la métaphysique, serions-nous la cause de ce cycle? Ce cycle serait-il une mise en abîme de notre condition propre? [...]
[...] N'est-ce pas effrayant de voir les hommes marcher au pas rythmés par le clairon ou les chœurs? La démesure de ce système est saisissante, l'obsession de la mesure de chaque geste, de chaque pas ou de chaque pensée est violente. L'injustice que cette démesure engendre se manifeste par la non appréciation de cette démesure à sa juste valeur, le jugement est mal fondé, le juste est mal conçu. Foucault s'attarde à montrer la structure de ce qu'il appelle les institutions complètes et austères Pourquoi sontelles complètes? [...]
[...] Il est fortement probable que cela soit le cas. Alors est-ce inéquitable? La justice, au sens d'équité (ce qui implique un sentiment personnel, contrairement à la justice où l'on ne fait que des références à la loi), est respectée selon le traitement royal, le seul châtiment Les supplices qui étaient infligés au corps le sont désormais à l'esprit. Mais alors, où se trouverait l'injustice? En examinant le concept de châtiment, de sélection et de barbarie, un second niveau critique s'ouvre: l'égalité devant la loi, n'est-ce pas là la démesure à la source d'injustices? [...]
[...] La démesure, si elle remet en cause toutes les normes, provoque de l'injustice dans le sens où cette remise en question l'est plus d'ivresse que de raison. Est-il suffisant de dire que l'injustice est fille de la démesure? Comme le montre la partie précédente, les rapports entre injustice et démesure doivent être envisagés comme un cycle, un cycle conséquent à la nature humaine. L'injustice est la fille de la démesure jusqu'à ce que cette dernière éclose à nouveau par un sentiment singulier, lui-même provoqué par l'injustice. [...]
[...] Mais n'est-ce pas en traitant les individus de cette manière que l'on évite soigneusement la mesure? Les prisons actuelles sont les usines de la norme, où l'on gave les hommes de principes, de mesure et de socialisation. En imposant au détenu des valeurs servant les intérêts de l'État et non les siennes, l'injustice éclate à la violence de la sanction, d'autant qu'elle se révèle sans effet. Comment enrayer la violence d'un être humain en lui faisant reconnaître le bon fondement de valeurs qui ne sont pas celles qu'il a intégrées comme justes? [...]
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