Au sens où l'humanité irait d'un stade animal à un stade conscient, d'un stade d'obscurantisme à un stade de lumière et d'éveil, d'un stade de barbarie à un stade de civilisation.
[...] Arrêtons nous quelque peu sur cette représentation classique de l'homme que nous héritons de la métaphysique. Elle nous dit Heidegger, une structure onto-théologique. Elle procède en effet du discours ontologique de l'être de Platon, qui divise le domaine de l'étant entre ce qui est de l'ordre sensible (le corps), et ce qui est de l'ordre intelligible (l'esprit). Et elle procède également de la tradition théologique de l'occident, dans lequel Dieu est pur esprit, être sans corps, et l'homme, à son image, incarnation d'un esprit dans un corps. [...]
[...] Comment l'entendement humain a-t-il pu opérer cela ? Comment cette faculté humaine, en laquelle avait été mis tant d'espoir, a-t-elle pu finalement conduire à ça, commettre cela ? Continuons le triste tableau, pour bien nous mettre sous les yeux ce qu'il ne faut pas, nous hommes d'aujourd'hui, que nous nous cachions. Le 6 août 1945, un homme, seul dans son avion, largue au-dessus de la ville d'Hiroshima une bombe que ses constructeurs ont baptisé Little Boy. Cet engin, conçu à cette fin meurtrière par les plus brillants scientifiques de l'époque, tue en quelques secondes plusieurs dizaines de milliers de personnes, population civile, femmes, hommes, enfants. [...]
[...] Quel est ce désir dont on espère qu'il imposera la paix sociale ? C'est l'appât du gain, c'est le désir d'argent, c'est la soif de richesse, connue et reconnue comme puissante passion humaine, depuis que l'homme pense l'homme. Et l'idée du libéralisme classique c'est précisément cela : instaurer une société dans laquelle est institué comme bien commun la richesse ; donner comme phare à la collectivité la perspective d'enrichissement, et laisser faire les hommes ; pour qu'ils s'adonnent tous à la production et à l'échange de bien, afin de tous satisfaire ce désir profond. [...]
[...] Il nous serait difficile de le soutenir. Non pas, fondamentalement, parce que ce monde demeure inégal, parce qu'il n'est pas juste socialement ; ni parce que tout le monde n'a pas également accès à ces richesses. Si tout cela est exact, cela ne suffit pas à qualifier cet ordre social d'inhumain. Mais pour nous il manque d'humanité en ceci précisément qu'il se fonde, comme nous l'avons rappelé, sur une bête passion, sur un infantile désir d'infini possessions, et qu'il écarte, qu'il omet comme non pertinent, ce qui fait, depuis que nous pensons en Occident, le propre de l'homme : la parole. [...]
[...] Accidents certes monstrueux, mais accidents tout de même, qui ne sauraient servir de base à l'analyse. Qu'il nous soit permis d'évacuer cette objection. Nous vivons bien aujourd'hui dans la continuité de cet usage meurtrier de la rationalité : nous employons maintenant des drones, machines volantes pilotées à distance, pour tuer. Tout contact, tout corps à corps avec l'ennemi est là banni : celui qui tue un combattant afghan par drone interposé est assis devant un écran d'ordinateur quelque part aux Etats-Unis. [...]
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