Peut on être propriétaire de son corps ? Question classique pour un juriste , mais qui n'en recèle pas moins de redoutables problèmes. Propriétaire de son corps, cela implique le pouvoir d'en disposer comme on l'entend, dans la limite du respect de l'ordre public et des bonnes moeurs. mettre sa force de travail au service d'un employeur, son talent sportif au service d'un club, ou sa beauté au service d'un photographe de modes , telles peuvent être les modalités de disposition de mon corps , les prestations qu'il permet. . Cela implique également qu'autrui ne peut disposer de mon corps, sans que j'y consente. L'esclavage est donc exclu, tout comme l'idée du droit romain que le corps répondait des dettes et qu'il constituait un gage pour les créanciers. En revanche, si l'on peut s'opposer à une prise de sang ou à l'alcool test, l'on doit en tirer les conséquences...
Droit et corps entretiennent, on le voit, des relations évidentes, relations qui deviennent de plus en plus complexes actuellement. En effet, le corps n'est plus seulement une source de revenus , en raison des prestations qu'il permet. Il est également une source de revenus per se : les progrès de la biologie et de la médecine ont montré que le corps humain était devenu une source de profits par les ressources qu'il détenait e lui même. Dès lors, comme l'a montré aux États Unis la célèbre affaire Moore, l'individu peut il " gérer" son propre corps de manière à profiter pécuniairement des ressources qu'il recèle, au risque de se dégrader humainement ? ou doit il se soumettre à des impératifs moraux à des principes juridiques qui le limiteraient dans son droit de jouissance, au risque de laisser autrui s'enrichir en exploitant le ressources biologiques qu'il détient ?
[...] On en déduira que l'homme est propriétaire de son corps Cf. sur ce point L. Pfister, Etude historique de la propriété littéraire du XVIème siècle à la loi de 1957, Thèse Droit, Strasbourg p n46 qui cite en ce sens l'interprétation de Barbeyrac et d'autres . L'idée sera développée par les physiocrates ibid. p n qui cite Dupont de Nemours : "la jouissance de la propriété de sa personne est une nécessité absolue au bonheur. Il en résultera d'ailleurs la création de l'économie politique, science des échanges et de la jouissance individuelle. [...]
[...] " cité par AM Schmidt, Calvin et la tradition calvinienne Le seuil 1965, p L'individu, dans le protestantisme, libre, responsable, et dont l'initiative est favorisée, est en effet un créateur qui collabore à l'oeuvre divine. Le partage des richesses laisse la place à la création de richesses. Ainsi s'expliquent peut-être les dimensions que prendra cette pensée chez ceux que l'on appelle les libertariens, et qui effaceront toute influence protestante pour ne garder que la liberté de jouissance Les libertariens. La pensée libertarienne nous vient des États-Unis où elle s'est illustrée chez des auteurs comme Nozick, même s'il a évolué en ce domaine, et surtout Rothbard, auteur notamment de "l'éthique de la liberté" M. [...]
[...] Enfin, après ces critiques, ces propositions, B. Lemennicier répond aux objections qu'on ne peut manquer de lui opposer, objections qui rejoignent celles, plus générales, adressées au libéralisme et à la société de marché. Mais ces objections prennent d'autant plus de force qu'elles concernent la santé et la maladie. Et chacun peut constater, en ce domaine, l'inégalité des individus, tant parce qu'on possède "naturellement" une bonne ou une mauvaise santé, que parce qu'on dispose de moyens financiers inégaux pour se soigner. [...]
[...] Et qu'est-ce que ce don d'un sang dont on ne serait pas propriétaire, puisqu'il fait partie de l'homme ? Cette gêne se traduirait chez R. Savatier par une référence à la religion, une sorte d'échappatoire en quelque sorte. Mais, s'arrêtant au réflexe religieux, il ne peut percevoir cette "sacralité sauvage qui était à la base des censures. " Ni voir que si la gestion du sang recueilli est un véritable service public, cela s'apparente "au trésor de sang dont l'Église a la gestion" ibid. [...]
[...] Mais retenons l'idée, originale, du parent propriétaire, parce qu'auteur de l'enfant. Car Rothbard poursuit logiquement son raisonnement, et c'est là qu'il nous choque : "Si un parent est propriétaire de son enfant alors, il lui est loisible de céder son Droit de propriété à quelqu'un d'autre. Il peut donner son enfant en adoption ou, par contrat volontaire, vendre les droits qu'il détient sur lui. Autrement dit, nous devons accepter que le marché libre des enfants connaisse un grand développement dans une société totalement libre" ibid. [...]
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