L'hypothèse de l'inconscient rend-elle l'homme irresponsable ?

Résumé du document

Dans son Introduction à la psychanalyse, Freud raconte l'histoire d'un jeune homme qui ne parvient pas à retrouver un livre malgré tous ses efforts. Si, comme Freud l'énonce, il est soumis en cela à des déterminismes inconscients, il semble qu'il ne soit pas responsable de cet oubli. Pourtant c'est bien lui qui a placé le livre sans faire attention. Accepterions-nous aisément qu'un individu jugé pour délit ou pour crime soit purement et simplement acquitté au motif de déterminismes inconscients ? (...)

Extraits

[...] L'hypothèse de l'inconscient ne signifie pas que tout acte est inconscient, au sens ou l'inconscience serait absolue. Un état d'inconscience se caractérise par un retrait de la conscience, de manière radicale dans le sommeil ou l'évanouissement, plus généralement dans la défaillance de l'attention et de la capacité à raisonner, ce qui favorise alors la manifestation des idées inconscientes et d'actes qui en découlent. Or il y a des degrés d'inconscience. C'est pourquoi devant les tribunaux, la responsabilité pénale est dépendante de certains niveaux de conscience, ce que s'attachent à établir les experts psychiatres. [...]

[...] "Il ne faut pas faire de l'inconscient un autre Moi ( . ) un mauvais ange, diabolique conseiller " nous met en garde Alain dans Eléments de Philosophie (1941), qui tente alors de comprendre ce qu'on veut attribuer à l'inconscient comme un défaut d'attention de la conscience, dans la tradition cartésienne, associés à des mécanismes corporels dont il n'est pas besoin de les relier à des idées inconscientes, et donc à du sens, pour les comprendre. (Et de fait, défaillance de l'attention due au manque de sommeil, mot pris pour un autre par précipitation, faut-il absolument chercher du sens inconscient derrière tout cela?) De même Sartre, dans L'Etre et le Néant, paru en 1943, condamne cette hypothèse en soutenant que le sujet ne peut pas choisir de refouler certains éléments et pas d'autres sans en avoir conscience . [...]

[...] En être conscient n'ouvre-t-elle pas la possibilité de s'entraîner à ceux qui nous conviennent ? Il est difficile de remettre en question la présence de déterminismes inconscients dans l'action de l'homme, ce qui doit nous amener à être prudents dans nos jugements. On peut néanmoins penser que nous demeurons responsables, quand nous le pouvons, de nous réapproprier notre inconscient lorsque celui-ci semble nous maîtriser, et même qu'il dépend de nous dans une large mesure, que ce soit de manière collective ou individuelle. [...]

[...] C'est pourquoi nous avons du mal à excuser un chauffard ivre qui perd le contrôle de son véhicule, ou le fumeur qui favorise les risques de cancers du poumon et de maladies cardio-vasculaires y compris par tabagisme passif . Ils connaissent les risques de leur attitude ! L'hypothèse de l'inconscient nous laisse responsables de nos choix par rapport aux conséquences dont nous pouvons avoir conscience, quand nous les connaissons et pouvons les prévoir. Le fumeur et l'alcoolique seraient ainsi responsables de leurs attitudes et de leurs conséquences. Mais ce n'est pas si simple. Comment comprendre en effet que nous puissions choisir de nous rendre responsable d'une action que nous savons condamnable? [...]

[...] Certes Freud parle de l'inconscient comme d'une hypothèse. Certes on ne peut y avoir un accès direct, malgré la plus grande précision de nos instruments d'observation. Mais il ne s'agit pas pour autant d'un simple produit de l'imagination. Dans Métapsychologie, Freud défend le caractère scientifique et soutenable de cette thèse. Elle apparaît nécessaire pour comprendre certains actes que l'on ne pourrait pas expliquer en ne tenant compte que de la conscience, elle est légitime parce qu'elle permet un gain de sens et de cohérence dans l'appréhension du psychisme; et ce qu'il appelait de ses voeux quant à son efficacité a depuis été confirmé, quand elle permet de traiter certaines maladies d'origine psychique. [...]