L'inconscient freudien fait poser la question de savoir ce qui fait qu'on "choisit" telle névrose plutôt que rien, ou celle-ci plutôt qu'une autre. Ce qui reviendrait presque à dire : qu'est-ce qui fait que l'on devient ce que l'on est ? (Puisque quand on fait des choix, quel que soit leur degré de liberté, on ne choisit que soi-même, ou ce qui après coup deviendra notre soi même). Cette question semble ignorer le jeu - l'articula¬tion des choix, leur série, leur succession - qui fait que, par exemple, un "mauvais choix" semble après coup la condi¬tion d'un choix "meilleur", et que c'est l'ensemble du jeu (des liens au jeu de la vie, via tels jeux et tels symptômes déterminés), c'est cela qui finalement produit un je.
L'inconscient introduit l'idée d'un choix « premier », définitif, qui réduirait à presque rien la série des choix suivants. Un choix où tout serait joué ; un jeu de la vie qu'on n'aurait pas le temps de connaître, car dès le premier coup, c'est déjà joué ! En somme, le jeu de la vie existe mais nous n'en savons rien, ou si nous y touchons, c'est une seule fois, de cinq à sept (ans).
Est-ce que l'origine joue ? Et à quoi ? Mais on peut montrer que c'est une fausse querelle, que le déterminisme et son contraire sont bien souvent deux voies distinctes pour décrire la même chose.
[...] Si l'on ne se demande pourquoi des esclaves ne brisent pas leurs chaînes, ou pourquoi ils se laissent enchaîner, il faut aussi penser aux esclavagistes qui débarquent sur les plages d'Afrique avec des armes irrésistibles. Des parents très armés de leur névrose débarquent aussi et ravagent les plages de l'enfance. Compte tenu de cette nuance disons que la part du sujet dans le choix de son enchaînement tient à ce qu'il veut produire une loi dont il soit l'auteur et qu'il puisse tenir en main. Il y aurait donc dans le choix de tout symptôme une composante perverse. Le sujet a interprété un appel, et il en est resté là ; ça l'a cadré. [...]
[...] En ce qui concerne le choix et la perte, on peut observer un phénomène étrange : si l'on envoie un faisceau d'électrons à partir d'une source sur un écran percé de deux trous et si l'on enregistre la distribution des impacts sur un écran suivant, on sait, par la Physique classique, que le résultat devrait être la superposition des deux distributions de probabilités correspondant aux passages dans chaque trou. C'est logique, puisqu''une particule ne peut passer que par un trou ou par l'autre. Or ce qu'on observe est tout autre. On observe des interférences ; phénomène que d'ailleurs on peut voir à l'œil nu lorsque des vagues franchissent deux seuils, deux passages étroits à l'entrée d'un port. Ainsi, la nature semble choisir entre les deux caractéristiques de l'électron à savoir qu'il peut être considéré comme une onde ou comme un corpuscule. [...]
[...] Il y a une part du jeu de la vie où l'inconscient, non pas choisit pour l'homme, mais choisit de lui lancer tel appel, telles conditions, dans lesquelles il choisit ou non. Il se trouve que le sujet choisit toujours, même s'il choisit d'être en retrait, insensible aux appels La perte inhérente au choix, si liée à l'origine, se retrouve dans la Physique des composants originaires de la matière. Avant de préciser la chose, remarquons que dans cette Physique dite quantique, un phénomène a beau être déterminé il arrive qu'avec tout ce qu'on peut savoir sur ses conditions initiales, on ne puisse pas prévoir l'instant où il va avoir lieu. [...]
[...] Et s'il y a transmission du hasard, les hasards de la transmission ont aussi leur nécessité. En un sens, la liberté c'est l'existence de choix possibles avec des moyens de passer d'un terme à l'autre, parmi les possibilités. Sinon, si les passages sont interdits ou impossibles, où est la liberté ? Libre c'est non pas coupé de tout lien mais pouvant passer d'un lien à l'autre sans que ce soit l'effondrement. Libre, c'est non pas être dégagé de toute loi, mais être appuyé sur le fait que la loi existe, que l'on n'a donc pas à la soutenir avant de passer à autre chose ; elle est infinie, en cours de connaissance. [...]
[...] Tel enfant de deux ans a voulu donner un sens au geste de sa mère qui l'a laissé à une famille pendant un an pour accueillir un autre enfant ; il a cru qu'on l'avait abandonné pour faute grave. Résultat : névrose de culpabilité. Pourquoi a-t-il choisi de donner un sens à cette violence de l'inconscient ? Parce qu'on a tous besoin d'une cause, d'une loi d'une loi qui tienne ; la loi du sens tient, même si on la paye d'un délire. Dans ce qui motive le choix, il y a l'envie de mettre du sens, du rationnel. La névrose est une recharge de sens précipitée pour combler le vide; elle est donc orientée vers le passé. [...]
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