Le législateur, quel qu'il soit, doit "de toute sa voix, soutenir, avec son logos, l'antique Nomos : à savoir qu'il y a des dieux ...". Cette traduction littérale d'un extrait du Livre X des Lois 890 d, exprime bien l'importance majeure que Platon accorde à la présence du divin dans la Cité et, en négatif, la gravité de la menace que fait peser l'impiété sur celle-ci. On la trouve formulée dans la constatation de Victor Martin dans son article « Sur la condamnation des athées par Platon au livre X des Lois », Studia philosophica 11, 1953 : « L'auteur des Lois, on le sait, considère l'athée ou l'impie notoire comme impropre à faire partie de la communauté civile » et cela car il constitue « un ferment de destruction », et même « un péril mortel ». C'est cette proposition qu'il va falloir analyser, pour comprendre pourquoi Platon accorde une si grande place à cette question de l'impiété dans ce dialogue et détermine des sanctions si sévères contre le crime qu'elle constitue. C'est particulièrement le livre X qui traite de cette question de l'impiété ; il y est d'ailleurs entièrement consacré. On a là comme la contrepartie des livres V et VII qui instauraient des lois concernant le culte des lieux : le Livre V répartit la population globale en classes auxquelles le législateur attache une divinité, un démon ou un héros particulier (la religion est bien comprise ici comme ce qui crée le lien entre les citoyens) ; le livre VII lui établit les fêtes religieuses et les jours particuliers consacrés au culte des dieux (un sacrifice par jour, et 12 fêtes, soit une par mois pour les dieux olympiens). Les lois sur la répression de l'impiété en sont des adjuvants, destinés à ce qu'il faut considérer comme un véritable fléau. L'impiété peut se comprendre facilement comme une des formes, et sûrement comme la forme la plus grave, du crime de démesure (l'hubris) qui mène à l'injustice (l'adikia). C'est pourquoi cette « maladie » (on verra que c'est Platon lui-même qui la qualifie ainsi) touche majoritairement les jeunes, les citoyens plus âgés étant moins sujets à l'hubris.
Le Livre X a de ce fait une fonction très pratique et prend réellement en considération les impies et leurs théories, dans une volonté de les faire disparaître du sein de la Cité. Il semble y avoir comme un écho de ce souci dans le pari que Pascal proposera aux libertins, les impies de son époque… Il s'agit bien d'une préoccupation d'effectivité. C'est là la différence avec l'Euthyphron : ici, il y a un plus grand ancrage dans le législatif et le politique. Il sera bien sûr nécessaire de faire référence à d'autres passages des Lois pour comprendre les véritables enjeux de l'impiété et de sa répression dans ce livre X.
[...] Il choisit les divinités traditionnelles en fonction de leur participation à cette définition. L'impiété ressort d'autant plus vivement qu'elle est présente dans une cité fondamentalement nourrie de religiosité et à laquelle Platon entend redonner un sens véritable de la religion. Elle est bien un crime majeur, si ce n'est le crime le plus important. Il nous reste à voir en quoi exactement elle constitue le plus grand de tous les dangers, c'est à dire quels en sont les enjeux précis dans la Cité. [...]
[...] Il y aura donc trois sortes de peines. Une contre ceux qui ne croient pas à l'existence des dieux : s'ils sont d'ailleurs de mœurs honnêtes, l'amende et la prison seront un châtiment suffisant ; mais s'ils cherchent à séduire les autres, on les punira de mort. Une autre peine sera réservée à ceux qui ne croient pas que les dieux s'occupent des affaires humaines : on les enfermera dans le sophronistère pendant au moins cinq ans et, s'ils ne s'y amendent pas, on les mettra à mort. [...]
[...] Enfin ceux qui feront profession d'évoquer les dieux et de les fléchir par des offrandes seront punis de la prison perpétuelle ou punis de mort. L'emprisonnement est donc la peine générale : mais il y a trois formes de prison dont une qui exclut ces personnes du reste de la cité, une maison de correction et une qui constitue une forme d'exil La gravité des peines La plupart des peines pour ceux qui ont commis l'impiété volontairement, non par manque de formation, seront destinés à la mort. [...]
[...] Si toutes les choses existaient dans un repos parfait, par quoi le mouvement devrait- il commencer ? Évidemment par ce qui se meut de soi-même. Or toute substance où se montre cette espèce de mouvement est nécessairement vivante. L'âme, qui a la faculté de se mouvoir elle-même et de mouvoir les corps, est donc antérieure au corps, et tout ce qui se rattache à l'âme, qualités morales ou intellectuelles, est antérieur à tout ce qui se rattache au corps. Elle est donc le principe non seulement du mouvement, mais encore du bien et du mal, du juste et de l'injuste. [...]
[...] Le caractère même du bon citoyen est cette éducation de la partie divine en lui. Ne citons que le passage 728 a-b du Livre V où est notée le principe même d'une loi civique : En somme, quiconque, dirai-je, à l'égard de ces actions mêmes que le législateur aura, dans l'énumération des articles de la loi, déclarées honteuses et mauvaises ou, au contraire, bonnes et belles, quiconque ne consentira pas à s'abstenir des premières par tous les moyens, à pratiquer, d'autre part, les secondes autant absolument qu'il en sera capable, tout homme donc qui ne se conduira pas de la sorte est un homme qui ne sait pas que, en tout cela, il aura mis son âme, qui est ce qu'il y a en lui de plus divin, dans la disposition la plus déshonorée et la plus ignoble Enfin, les Lois constituent un voyage, mais un voyage proprement religieux. [...]
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