1°) L'association de la conscience et de la liberté, même posée ici sous une forme interrogative, n'est pas en soi une surprise. De façon classique, notamment depuis Descartes (Discours de la méthode, IV), la formulation d'une pensée consciente (cogito) est souvent définie comme la marque, le point d'appui fondamental de l'existence humaine qui s'arrache au doute et au règne des objets, pour s'affirmer comme sujet libre, c'est-à-dire autonome et indépendant du monde qui l'entoure. Kant ira plus loin encore en faisant de cette « cum scientia » un pouvoir d'aperception qui place l'être qui la déploie en se représentant comme Je (et en l'exprimant) au niveau d'une personne morale douée d'une dignité (une fin en soi) et d'une responsabilité, c'est-à-dire la tâche de devoir répondre (respondere) de ses actes en les assumant comme miens, en portant l'idée de leurs conséquences, réelles ou possibles.
2°) Or c'est justement par cette « charge » (morale mais aussi politique pour les responsables de l'État comme pour leurs administrés) que la conscience soulève un paradoxe ou du moins une complexité : en m'octroyant une liberté de pensée, elle m'oblige aussi à me rendre compte de ce que je suis, de ce que je fais, de ce que font les autres et de ce que je suis par rapport à eux. C'est par là que le mot « faille » devient signifiant et important dans le libellé du sujet : une faille est souvent une brèche, une fissure qui peut fragiliser un ensemble bâti, un homme, dont la force (tel le talon d'Achille) trouve ainsi son point vulnérable par lequel une menace (plus ou moins grave) peut s'engouffrer. Par conséquent, il s'agit ici de nous demander si la conscience garantit à l'homme (assurer revient à me certifier que je suis protégé en cas de dommage) une liberté dénuée de cette fragilité qui peut devenir échec ou débâcle. Mieux encore, il va évidemment falloir déterminer si le fardeau de la conscience (porter le poids de nos actes) peut s'avérer tellement lourd qu'il peut fracturer notre liberté et conduire à une aliénation (...)
[...] Ces cas de conscience (éthiques ou déontologiques dans certaines professions médicales par ex.) peuvent même mener à une conscience malheureuse, celle qui se rend compte que, quoi qu'on choisisse, on exclut aussi une autre possibilité de l'alternative. La conscience ne pourra jamais s'empêcher dans certains cas d'être sinon hantée du moins éprouvée de temps en temps par un doute : et si j'avais choisi l'autre chemin, n'aurait-ce pas été mieux ? Une liberté composée de règles Par suite, une volonté consciente (Cf. [...]
[...] Sartre) doit assumer cette part d'engagement qui élimine les autres choix (c'est la faille majeure de notre liberté mais aussi sa règle du jeu mais affirme l'exercice d'un projet : exister, c'est se déterminer dans toutes les actions que nous choisissons et refusons. C'est pourquoi Sartre a pu écrire juste après la Seconde Guerre mondiale {Situations III) que nous n'avons jamais été aussi libres que sous l'occupation allemande parce qu'en effet à ce moment-là, au carrefour des héroïsmes et des lâchetés suprêmes, chacun avait à se poser la question (en conscience) de savoir dans quel camp (résistance, attentisme ou collaboration) il devait se placer, ce qui engageait toute l'humanité, dans la mesure où chaque action concerne aussi les autres et les valeurs que je défends envers le genre humain . [...]
[...] La conscience assure-t-elle à l'homme une liberté sans faille ? L'association de la conscience et de la liberté, même posée ici sous une forme interrogative, n'est pas en soi une surprise. De façon classique, notamment depuis Descartes {Discours de la méthode, la formulation d'une pensée consciente (cogito) est souvent définie comme la marque, le point d'appui fondamental de l'existence humaine qui s'arrache au doute et au règne des objets, pour s'affirmer comme sujet libre, c'est-à- dire autonome et indépendant du monde qui l'entoure. [...]
[...] La conscience intime (for privé) est bien pensée comme une liberté intérieure qui nous permet la sérénité et la vérité, et à ce niveau-là, on ne voit pas qui ou quoi pourrait en altérer la majestueuse indépendance - ce qu'Epicure appelait Yautarkeia du sage, sa capacité à se détacher des opinions et des phobies qui en troubleraient la libre pensée et le complet bonheur (Cf. Lettre à Ménécée). Transition : Cette confiance à l'égard de la conscience est un fait évident (dixit Sartre). Mais n'est- ce pas seulement en considérant la conscience comme la faculté de m'apercevoir que je suis qu'elle dégage cette positivité métaphysique si célèbre ? [...]
[...] Quitte du coup à limiter la liberté (naturelle) que j'ai d'être moi-même indépendamment du regard des autres. Déjà au Moyen-âge, la liberté intime et privée restait enclavée dans des groupes grumeleux qui encadraient l'individu et, lui assurant une certaine convivialité, n'en formaient pas moins pour lui une présence constante et une surveillance pesante. Avec la société d'aujourd'hui, paradoxalement, l'essor de l'individualisme (parfois narcissique et matérialiste) s'accompagne aussi de nombreuses formes de normalisation dont l'effet de groupe (Asch) n'est qu'un des symptômes les plus manifestes. [...]
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