Le mouvement surréaliste, prônant le fait de donner libre cours à son imagination dans la production artistique, est à l'origine d'oeuvres d'art qui nous donnent à penser que l'imagination serait sans règles. Les montres molles de Dali met ainsi en scène des objets défiant les lois physiques, avec des montres qui « coulent », et qui n'ont de plus aucune cohérence logique entre eux puisque nous pouvons voir une de ces montres pendue à un arbre, lui-même planté sur un meuble. Enfin, nous notons la présence d'éléments irréels, tels que le Grand Masturbateur, forme blanche ayant une vague ressemblance avec un cheval. Cependant, l'emploi de l'expression « donner libre cours à son imagination » semble supposer que celle-ci n'est pas libre en tant normal, ce qui implique qu'elle suivrait des règles.
Mais les règles de qui ? L'imagination est-elle subordonnée à une entité extérieure, qui lui impose des règles ? L'exemple du surréalisme nous indique qu'il est possible de laisser libre cours à son imagination. Cela signifierait que l'imagination est capable de s'émanciper de ces éventuelles entités extérieures qui lui dictent sa conduite, rendant possible une imagination qui agit de manière indépendante. Et dans ce cas, l'imagination ne suit-elle plus aucune règle ? Il convient de réfléchir sur le fait que l'imagination puisse posséder des règles qui lui sont intrinsèques, c'est-à-dire au fait qu'elle puisse être par nature bornée, délimitée, voire suivre un schéma de fonctionnement prédéterminé. Pour finir, une autre question se soulève concernant les éventuelles règles suivies par l'imagination : est-ce des règles que nous mettons en place volontairement ou nous échappent-elles ? Ce qui revient à s'interroger sur la mesure dans laquelle nous contrôlons notre imagination.
De manière générale, il nous faudra nous demander dans quelle mesure l'imagination suit elle des règles. L'imagination est généralement soumise aux règles établies par des entités qui lui sont extérieures et même lorsqu'elle s'en émancipe, elle reste soumise à un certain nombre de règles qui lui sont intrinsèques. Mais sa subordination à d'autres entités est aussi ce qui lui permet d'échapper, en partie, aux règles établies par la réalité. (...)
[...] L'imagination est alors le procédé qui nous affecte en réactivant les effets laissés par ces impressions mais sans leurs causes, c'est-à-dire sans stimulation du monde extérieur sur les nerfs, c'est le corps seul qui agit. L'imagination désigne donc ici les pensées qui naissent en notre esprit par l'entremise des nerfs mais en l'absence des corps extérieurs, résultat du passage des esprits animaux dans les sillons évoqués précédemment. Les esprits animaux empruntent d'autant plus un sillon que celui-ci est profond, et cette profondeur est déterminée par la fréquence et l'intensité des impressions qui en sont à l'origine. L'imagination suit donc entre autres la règle de l'habitude. [...]
[...] Ces associations universelles de l'imagination s'apparentent à des symboles. En conclusion, l'imagination suit une nouvelle règle, qui est double, celle de l'association. Ainsi l'imagination, même libérée de la coupe de toute entité extérieure, continue de suivre un certain nombre de règles, que nous pouvons considérer alors comme lui étant intrinsèques, et nous remarquons que ces règles échappent à notre contrôle. S'il apparaît maintenant claire que l'imagination suit un certain nombre de règles, il nous faut maintenant nous interroger sur la mesure dans laquelle l'imagination est capable de s'affranchir des règles, de s'émanciper des contraintes qui pourraient la limiter. [...]
[...] L'imagination suit-elle des règles ? Le mouvement surréaliste, prônant le fait de donner libre cours à son imagination dans la production artistique, est à l'origine d'œuvres d'art qui nous donnent à penser que l'imagination serait sans règles. Les montres molles de Dali met ainsi en scène des objets défiant les lois physiques, avec des montres qui coulent et qui n'ont de plus aucune cohérence logique entre eux puisque nous pouvons voir une de ces montres pendue à un arbre, lui-même planté sur un meuble. [...]
[...] Certes, certains évènements du rêve défient les lois physiques, comme le fait de pouvoir voler, mais la trame du rêve, son schéma fictif, l'enchaînement des évènements suivent un parcours plutôt cohérent et logique, facteur qui nous pousse d'ailleurs d'autant plus à croire que ce rêve puisse être réel. L'imagination suit une règle d'association des pensées les unes aux autres, chaque pensée découlant de la précédente. David Hume met ce phénomène en évidence dans Enquête sur l'entendement humain : les idées issues de l'imagination, mêmes lorsqu'elles paraissent décousues, suivent des connexions précises et c'est pourquoi dans le rêve, l' imagination ne courre pas à l'aventure Les pensées de l'imagination s'associent selon leurs ressemblances et leur contiguïté spatio-temporelle. [...]
[...] En effet, cette imagination est la réactivation d'une trace laissée par un objet sensible bien réel. L'imagination, considérée selon l'angle d'un processus imitatif, semble donc ne pouvoir se départir d'une autre entité qu'est la perception, en cela qu'elle ne réactive que des images précédemment captées par les sens, ce qui pour aller plus loin, nous permet même d'établir une certaine dépendance à l'égard de la mémoire, réceptacle de l'ensemble des images perçues. Cette dépendance envers le sensible ne semble a priori valable que pour l'imagination en tant que passion, puisque l'imagination en tant qu'action permet au contraire de créer une image d'une chose n'existant pas ou créer une fiction (qui n'est pas donc pas une réactivation mais une création). [...]
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