« Mes pensées, ce sont presque toujours des films », assure le cinéaste italien Michelangelo Antonioni dans son recueil Rien que des mensonges. Quel paradoxe de la part du réalisateur au moment où l'image suscite la méfiance des intellectuels : que n'a-t-on brocardé la civilisation de l'image au nom de la préservation des valeurs humanistes, pour réhabiliter une pensée en danger de mort !
Certes, le pouvoir des images n'est guère propice à l'activité de jugement critique, gage du libre exercice de la pensée. Fascinantes ou repoussantes, elles suscitent rires ou pleurs, frissons de peur ou de joie ; elles iraient même jusqu'à provoquer des massacres, comme à Littleton, ou feraient et déferaient les élections. Leur prolifération, dont témoigne l'emploi du pluriel, ajoutée aux passions qu'elles soulèvent achève de les discréditer. Pour autant, les images sont-elles inaptes à produire du sens ?
Il semble bien qu'en raison notamment de leur caractère protéiforme, les images constituent un obstacle aux opérations de l'esprit, surtout quand on les compare aux facultés du mot. Mais parce qu'elles ont partie liée à l'écriture, elles restent nécessaires à l'achèvement des processus cognitifs. (...)
[...] Même Platon leur reconnaît un statut propédeutique : Socrate s'exprime souvent par image, non pour en rester à ce stade, mais pour accéder peu à peu à la connaissance. C'est le propre de la maïeutique. Par ailleurs, parfois condamnées, les images ouvrent l'esprit à une dimension spirituelle : elles sont affaire de croyance et de foi. Le terme image vient d'ailleurs du latin imago qui désignait initialement le masque mortuaire porté aux 8 Dissertation de Culture générale : Le pouvoir des images contrarie-t-il la liberté de penser ? funérailles dans l'Antiquité romaine. L'image joue un rôle de substitut à l'absence. [...]
[...] Dans La République, l'œuvre d'art n'a qu'un statut inférieur à son modèle : l'image, le dessin, le tableau ne correspond qu'à un simulacre, un reflet, une ombre de l'Idéal. L'image reste trop éloignée du Vrai pour lui accorder quelque crédit. Les réactions passionnées suscitées par l'art abstrait correspondent également à l'éloignement du tableau et de son modèle. À cette dévalorisation ontologique de l'image s'ajoute une méfiance d'ordre religieux. En effet, le 3e des 10 commandements interdit de créer des images et de se prosterner devant elles. [...]
[...] Chez Marcel Proust, parce qu'ils sont du côté de l'intel-ligence, les mots sont impuissants à exprimer une sensation : la mort de l'écrivain Ber-gotte intervient significativement devant un tableau, La Vue de Delft de Ver Meer Dissertation de Culture générale : Le pouvoir des images contrarie-t-il la liberté de penser ? Conclusion Ainsi, en raison de sa plasticité et de sa capacité à toucher les affects, l'image constitue un obstacle à l'exercice de la pensée, surtout quand celui-ci s'appuie sur le langage. [...]
[...] Mais parce qu'elles ont partie liée à l'écriture, elles restent nécessaires à l'achèvement des processus cognitifs Dissertation de Culture générale : Le pouvoir des images contrarie-t-il la liberté de penser ? I. Protéiformes, fondées sur un rapport de ressemblance, les images constituent une menace pour l'esprit critique. A. D'emblée, on repère une déficience de l'image à illustrer les opérations de l'esprit, surtout quand on compare ses performances à celles du mot. Les mots véhiculent la pensée, comme l'attestent ces deux vers de Boileau : Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément Vue depuis l'ordre des mots, l'image apparaît donc toujours en retrait, voire dangereuse. [...]
[...] Mais il faut voir également qu'une même image dans des contextes différents peut être diversement interprétée. Ainsi, l'image de Jeanne d'Arc a-t-elle pu aussi bien être captée par les républicains modérés à la suite de la défaite de 1871, et ce dans la lignée de Michelet, que par la droite nationaliste, cléricale et antisémite. Autre exemple de l'ambivalence de l'image le film Le Corbeau, réalisé en 1943 par Henri-Georges Clouzot a été à la fois perçu comme une dénonciation de la délation pratiquée dans la France occupée et comme le portrait peu flatteur d'un village français réalisé pour le compte d'une firme de production allemande, la Continental films. [...]
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