L'illusion qui réconforte est-elle préférable à la vérité qui dérange ?

Résumé du document

« La vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités » (Le livre du philosophe, Nietzsche). Ainsi, selon Nietzsche, une vie digne d'être vécue a besoin de cette illusion réconfortante, cependant, l'illusion, si elle est réconfortante ou source de bonheur, peut se révéler amère une fois que l'illusion cesse, la vérité qui en découle s'annonce alors terrible pour celui qui s'était illusionné.

Cependant, une vérité insupportable est-elle toujours préférable à l'illusion ? En fin de compte, on pourrait établir que les choses sont équilibrées entre les deux postures qu'offre le sujet, d'un côté, la vérité [a priori positive] mais dérangeante [négative] de l'autre côté, l'illusion [a priori négative] mais qui réconforte [positive], même si, peut être faudra-t-il établir une hiérarchie entre la vérité et l'illusion, malgré les qualificatifs qui accompagnent ces deux notions. Ce choix renvoie à une expérience banale de l'existence, à savoir, s'oublier, se « raconter des histoires », s'arranger avec la réalité (...)

Extraits

[...] Ainsi, peut on présenter deux critères, un critère moral, qui établit une morale du principe, la vérité serait toujours du côté du bien, elle serait toujours mieux que l'illusion ; et un critère existentiel, un critère du plaisir, de joie mais aussi d'affirmation de sa puissance. Quelle hiérarchie établir donc entre ces deux critères ? Nous étudierons dans une première partie les enjeux, les alternatives qui se présentent à celui qui est extérieur à l'illusion et qui doit faire le choix entre la vérité et l'illusion pour analyser le double critère, moral et existentiel. Nous étudierons ensuite la puissance de l'illusion comme source de joie et de puissance. Nous étudierons enfin l'intérêt de la vérité comme émancipation de l'homme et puissance de pensée. [...]

[...] Pourtant, l'illusion, d'un point de vue existentiel peut sembler préférable. II) Le choix de l'illusion d'un point de vue existentiel : l'illusion comme source de joie et de puissance La vérité est parfois insupportable du point de vue des critères existentiel et moral, est-elle alors toujours préférable à l'illusion ? L'illusion peut en effet apparaître comme moyen de remédier aux souffrances engendrées par la prise conscience de la vérité, ainsi Anton Tchekhov met l'accent sur la positivité de l'illusion : Garde ton bonheur et reste aveugle L'illusion venant d'un désir de satisfaction que la réalité ne peut combler, on peut préférer l'illusion qui réconforte à la vérité qui frustre. [...]

[...] Ainsi, dans ce cas précis, agir selon l'éthique de responsabilité se trouverait du côté de l'illusion réconfortante, et agir selon l'éthique de conviction se trouverait du côté de la vérité qui dérange. Il en est de même pour le politique qui s'adresse à la nation, le pouvoir peut par exemple avoir tendance à grossir les chiffres de la croissance pour donner de la confiance aux investisseurs, ou jouer sur le ressort psychologique de la masse et des médias, la bercer d'illusions sur la situation du pays par exemple, pour renforcer son pouvoir. [...]

[...] Peut-on montrer qu'il est vrai qu'il faille vouloir la vérité ? Vouloir la vérité est un impératif moral, commun au philosophe et au savant : il faut vouloir la vérité parce que c'est noble, héroïque, il faut être humble, modeste devant les faits. C'est un simple préjugé moral que de croire que la vérité vaille mieux que l'apparence. Nietzsche, dans son essai Par delà le Bien et le Mal, explique que c'est en se situant par delà le bien et le mal, qu'on pourra véritablement poser la question : que vaut la volonté de vérité ? [...]

[...] Ainsi, la vérité est préférable lorsqu'elle ne nuit pas à la vie, mais l'illusion qui rassure s'avère parfois nécessaire pour vivre. Encore faut-il en être conscient, et une illusion consciente est plus une croyance qu'une véritable illusion. Ainsi, la vérité est préférable du point de vue de la connaissance, mais l'illusion et la croyance s'imposent parfois au profit de la vie. [...]