Mais la résolution du « comment » de l'origine des choses suffira-t-elle à nous révéler en quoi les idées sont conformes aux choses ? Il faudra aller au bout de la réponse proposée et suggérer une manière de vérifier, par le retour aux choses, la convenance des idées à elles. Il faudra alors savoir ce qui garantit cette convenance et là encore, après avoir examiné comment cette convenance se vérifie, étudier pourquoi elle peut l'être. Le rapport des idées aux choses est-il tout entier dépendant des lois de notre esprit ? de la structure de la chose ? L'enjeu sera de trancher entre une vérité définie comme convenance des idées aux choses, garantie par l'existence d'un ordre, d'une harmonie transcendante, et une vérité définie comme une cohérence de l'esprit à lui-même, cohérence garantie de manière tautologique par l'esprit lui-même. Ce sera trancher entre une philosophie qui cherche une vérité qui la transcende et une philosophie qui explore une cohérence qu'elle porte en elle-même, qui s'élucide.
[...] L'idée, c'est ce qui résulte de notre rencontre avec la chose, la manière dont la chose existe pour notre esprit. C'est donc l'idée qui procède de la chose procéder signifie ici émaner, la dimension passive mise entre parenthèse. Car pour l'heure nous ne savons pas comment l'idée procède de la chose, si notre esprit reçoit l'idée ou la produit c'est ce que nous allons tenter de déterminer à présent. Pour ce faire, il nous faut d'abord savoir si les idées peuvent ou non exister dans l'esprit sans la chose c'est se poser la question de l'innéisme, question trop vaste pour être résolue en quelques phrases ; mais c'est surtout déterminer les hypothèses qui conditionnent les réponses possibles à la question de l'origine des idées. [...]
[...] Et cette connaissance est purement intellectuelle, elle ne passe pas par les choses. Il nous faut donc nous tourner à présent, si nous voulons élucider le problème de la convenance des idées aux choses, vers le rapport entretenu entre cette convenance et celle, d'une part, de l'Idée (nous appellerons ainsi, en référence au lexique platonicien, ce que nous désignions tout à l'heure par les termes de cause, d'essence, de forme) et des choses, et, d'autre part, avec celles des idées aux Idées. [...]
[...] La vérification aussi. La vérité comme adequatio de l'idée à la chose dépend alors d'un bon fonctionnement de l'esprit qu'on ne peut contrôler ; sinon, peut-être, par confrontation avec les résultats auxquels sont parvenus les autres. C'est le même problème pour les qualités secondes. Mais alors il ne s'agit plus d'une vérité reposant sur l'adéquation mais d'une vérité reposant sur le consensus et comment pourrait-il en être autrement, quant il s'agit, non plus d'une connaissance, mais d'une norme de bon fonctionnement, norme que l'on décide au bon résultat obtenu ? [...]
[...] Ainsi l'esclave du Ménon ne récite pas une leçon comment le pourrait-il ? il ne l'a pas présente à l'esprit à Socrate, mais est capable de comprendre que ce que lui indique Socrate est vrai. La convenance des idées aux choses est ici instinctivement reconnue en raison de la préexistence des idées aux choses. En effet, l'idée déjà existante se trouve comparée alors à l'idée que suscite la chose. C'est en vertu de cette comparaison que l'esclave peut donner son assentiment aux propositions qu'on lui annonce. [...]
[...] Ce lien est garanti, il existe de fait. Dès lors il suffit pour connaître la vérité de laisser se correspondre en soi choses et idées : c'est du contact avec les choses qu'on forme les idées qui y correspondent, et en retournant aux choses on pourra vérifier la conformité de nos idées à elles. Spinoza s'autorise donc à penser en géomètre : les idées correspondent directement aux choses, et il n'y a d'idée que de choses actuellement existantes (Traité de la réforme de l'entendement) ; dès lors la vérification expérimentale est possible, et fiable. [...]
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