Philosophie, harmonie, monde, idéologie, Johannes Kepler, Thomas d'Aquin, Bergson, Pangloss, Candide, Aristote, dieu, intelligence supérieure, changement climatique, Somme théologique, finalité, cosmos, chaos, L'Odyssée, Poséidon, Phéacien, catastrophe naturelle, guerre, artiste, humanité, cruauté, désordre, théologie chrétienne
On voit que l'harmonie du monde, conçue comme la « Qualité d'un ensemble qui résulte de l'accord de ses parties ou de ses éléments et de leur adaptation à une fin » (Larousse), suppose une intelligence supérieure et sert de preuve à l'existence de celle-ci . Pour autant, il est évident que tout ne semble pas participer à une « harmonie du monde » : les guerres, le dérèglement climatique, entre beaucoup d'autres choses, vont instinctivement contre cette idée.
Est-ce vraiment, comme l'affirme Pangloss dans Candide, que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » et que l'humain ne possède simplement pas l'intelligence nécessaire pour comprendre le bien qui se cache derrière le mal apparent, l'harmonie générale du monde ? Ou n'est-ce pas une façon de se voiler la face et de justifier des atrocités sans nom ? L'idée d'une « harmonie du monde » n'est-elle pas alors idéologique ?
[...] Ce qu'il révèle, loin d'être « l'harmonie », est plutôt le caractère abominable du monde d'alors, où règnent la guerre et l'absence d'humanité. Comment alors concevoir qu'une harmonie du monde puisse exister, entre la perfection apparente des lois de la physique ou de la biologie, et les tremblements de terre, la tendance des humains à la cruauté et autres choses bien disharmonieuses en apparence ? Il n'y a pas d'harmonie du monde, en ce sens que le concept de disharmonie n'est que l'absence d'une harmonie préconçue, attendue Dans la IVe partie de L'Évolution créatrice, Bergson s'attache notamment à montrer que le concept de désordre est absurde - cette démonstration constituant l'introduction à sa critique de l'idée de néant. [...]
[...] L'idée d'une « harmonie du monde » n'est-elle pas idéologique ? Titre d'un traité de Johannes Kepler du début du XVIIe siècle (1619) : sans entrer dans les détails de cette œuvre que je n'ai pas lue, l'idée principale de l'auteur est que, telle l'harmonie musicale, le monde est harmonieux et exprime l'harmonie qu'est Dieu. Le monde serait en résonance avec Dieu et serait la preuve que Dieu est un « grand architecte ». On voit que l'harmonie du monde, conçue comme la « Qualité d'un ensemble qui résulte de l'accord de ses parties ou de ses éléments et de leur adaptation à une fin » (Larousse), suppose une intelligence supérieure et sert de preuve à l'existence de celle-ci. [...]
[...] Pourtant, le fait que les vêtements soient posés sur la chaise est le résultat du fait que je les ai déposés là pour mieux choisir comment je m'habillerais aujourd'hui ; le lit défait est le résultat du fait que j'y ai dormi. En d'autres termes, les objets sont là où l'on peut les attendre au regard de mes actions de ce matin. Un observateur extérieur qui y entrerait trouverait ma chambre désordonnée, parce qu'il s'attendrait à ce qu'elle ressemble à une chambre Ikea avec, de façon convenable, le lit fait et les vêtements dans la penderie. Elle répond pourtant totalement à l'ordre de mes actions. En d'autres termes, le « désordre » n'est que l'absence d'un ordre attendu par quelqu'un. [...]
[...] En d'autres termes, menaçant l'harmonie du monde tel qu'orchestré par les dieux grecs, les Phéaciens sont punis par Poséidon. Le monde est-il réellement harmonieux ? Une critique naturelle serait pourtant de dire que le monde ne semble pas si harmonieux, bien au contraire : comment parler d'harmonie du monde quand on voit les conséquences du dérèglement climatique, des tremblements de terre ou des tsunamis, les bombardements actuels en Ukraine ? Se dire, comme Voltaire parodie Leibniz en la personne de Pangloss dans Candide, que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes », alors même qu'ils voient un esclave au corps sévèrement torturé ou encore voient les ravages du tremblement de terre de Lisbonne, semble ridicule, comme si toutes ces atrocités servaient un dessein plus grand que l'humain ne pourrait comprendre. [...]
[...] L'idée d'une « harmonie du monde » n'est-elle pas alors idéologique ? Alors, ou bien il existe une harmonie du monde, mais alors l'humain ne saurait la comprendre ; ou bien il n'existe pas d'harmonie du monde, mais quelles sont alors les conséquences de cette absence ? L'harmonie du monde suppose une intelligence ayant ordonné le monde tel qu'il est C'est une idée déjà exprimée par Thomas d'Aquin dans la Somme théologique : la cinquième preuve (« cinquième voie ») de l'existence de Dieu serait que les choses suivent une fin qui les amène à réaliser leur essence au mieux (la fleur qui bourgeonne puis éclot par exemple) or, sans intelligence pour déterminer cette fin, comment la fleur déciderait-elle de cette fin parfaite ? [...]
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