Haut fonctionnaire, magistrat, homme de cour, chercheur, enseignant, Ibn Khaldoun, dont on vient de fêter le six centième anniversaire de la mort, fut tout cela à la fois. Nourrie pour une bonne part de son existence mouvementée, l'œuvre de ce précurseur des sciences humaines actuelles conserve une étonnante actualité.
Considéré comme le fondateur de la sociologie et de l'histoire modernes et le précurseur de la plupart des sciences humaines, Abdel-Rahman Ibn Khaldoun (né à Tunis le 27 mai 1332 et mort au Caire le 17 mars 1406) a laissé deux ouvrages essentiels : Kitab al-Ibar (« Histoire universelle ») et la Muqaddima (« Introduction »), dont on n'a pas fini de redécouvrir la dimension visionnaire. L'œuvre de ce génie solitaire, qui ne se rattache à aucun courant particulier de la pensée arabo-musulmane classique, est l'aboutissement d'une multitude d'angoissantes interrogations sur le courant de l'Histoire, sur les lois qui déterminent le sens de ce courant, sur les symptômes et la nature des maux dont meurent les civilisations. Elle garde, six siècles après, une étonnante actualité.
En dénonçant les excès, les abus et les déviations observés chez les princes qu'il a côtoyés, Ibn Khaldoun a voulu susciter l'inquiétude de ses contemporains sur la perte de sens des vraies valeurs humaines qui menaçait de destruction les États et les civilisations. Mais « son message tomba dans l'indifférence générale. L'historien ne fut pas plus heureux que l'homme politique. La civilisation musulmane était bel et bien condamnée. Il fallait peut-être qu'il en fût ainsi pour qu'Ibn Khaldoun existât et dressât son bilan », a écrit Mohamed Talbi dans son ouvrage Ibn Khaldoun et l'Histoire, publié en 1973, et réédité en mars dernier, à l'occasion de la célébration du six centième anniversaire de la mort du penseur maghrébin (voir bibliographie).
[...] À son retour au Caire, une nouvelle surprise l'attend : il est démis de ses fonctions. Sa carrière ne s'achèvera pas pour autant par une vieillesse tranquille et sans histoire, consacrée à l'enseignement et à la rédaction de son œuvre majeure. En effet, le sultan Faraj, qui vole au secours de Damas menacée par Tamerlan, lui demande de se joindre à son expédition. Il s'y résigne. Tamerlan expropria les gens de la ville et leur arracha d'immenses richesses . Aussitôt arrivé à Damas Ibn Khaldoun est abandonné dans la ville assiégée. [...]
[...] Ibn Khaldoun se résout à s'exiler de nouveau. Autorisé par le sultan à faire le pèlerinage à La Mecque, il s'embarque pour Alexandrie, le 24 octobre 1382, sans se douter peut-être qu'il ne reviendrait plus jamais dans sa patrie. Au cours des dernières vingt-quatre années de sa vie passées en Égypte il ne cessera jamais de travailler à sa monumentale histoire universelle lui apportant corrections et augmentations et en livrant de temps à autre au public des versions successives. Le Caire : métropole du monde, jardin de l'univers . [...]
[...] La réputation dont jouissait sa famille à Tunis et les relations qu'y avait son père lui facilitent les choses. Ainsi, vers la fin de l'année, le puissant chambellan Ibn Tafragin lui confie la charge de la ‘alama secrétaire du paraphe du jeune sultan Abou Ishaq. Mon office consistait à écrire en gros caractères la formule : ‘‘Louange et grâce à Dieu'', sur les messages et ordonnances du sultan, entre la basmala [premier verset du Coran] et le corps du texte. [...]
[...] Il est en pleine force de l'âge. L'histoire du Maghreb va lui donner l'occasion de satisfaire ses ambitions débordantes. Son vieil ami Abou Abdallah, qui avait retrouvé entre-temps le royaume de Béjaïa, lui propose la charge de hâjib chambellan qui était alors la plus importante de l'État, et confie le vizirat à son frère cadet Yahya. Il le charge aussi de l'enseignement du fiqh et de la prédication. En 1366, l'émir de Constantine Abou al-Abbas inflige une écrasante défaite à son cousin Abou Abdallah, qui, lâché par les habitants de Béjaïa, terrifiés par le caractère trop autoritaire et tyrannique de leur maître se retranche dans les montagnes de Lizu, avant d'y être pourchassé et tué. [...]
[...] sa mule, il reprend la route du Caire. Il arrive dans la capitale égyptienne le 17 mars 1401, le jour même de l'incendie de Damas, n'ayant donc pas assisté aux horreurs qui ont accompagné la prise et le pillage de la ville. Au Caire, où il est accueilli plutôt chaleureusement malgré son attitude compromettante vis-à-vis du chef mongol, Ibn Khaldoun ne tarde pas à être nommé pour la troisième fois cadi en avril 1401, puis révoqué en décembre de la même année, avant d'être rappelé à ses fonctions deux mois plus tard, puis révoqué de nouveau, en septembre 1403, de nouveau nommé au même poste en février 1405 et de nouveau démis trois mois plus tard En février 1406, il est nommé grand cadi pour la sixième et dernière fois, quelques semaines avant sa mort, survenue le 17 mars 1406, à l'âge de 74 ans. [...]
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